vendredi 26 août 2011

Victoire de Félicité

L'esprit vagabonde où il veut et, je ne sais pourquoi, il a choisi pendant ces quelques jours de vacances de me rappeler les Trois Contes de Flaubert (pourtant plus ouverts depuis des années), ou plus précisément cette scène d'Un cœur simple dans laquelle la bonne normande se rend chez le pharmacien Bourais dans l'espoir d'obtenir de lui des informations sur Cuba pour lequel s'est embarqué son neveu Victor. "À cause des cigares, elle imaginait la Havane un pays où l'on ne fait pas autre chose que de fumer, et Victor circulait parmi les nègres dans un grand nuage de tabac." Bourais exhibe son atlas avec "un beau sourire de cuistre devant l'ahurissement de Félicité", la fait se pencher sur "un réseau de lignes colorées" qui "fatigu[e] sa vue, sans rien lui apprendre". Ah ! le rire énorme du grimaud lorsque Félicité lui demande de lui montrer la maison où demeure son neveu : "une candeur pareille excitait sa joie" joie cruelle. Ambiguïté de Flaubert lui-même qui s'il condamne le cuistre, témoigne tout de même lui aussi d'une commisération amusée à l'égard de son personnage, qui "s'attendait peut-être à voir jusqu'au portrait de son neveu, tant son intelligence était bornée !" Quant à la position du lecteur, elle oscillera également, selon son humeur, entre la pitié et l'égaiement. Erreur générale. Ils sont nous sommes tous dedans. C'est Félicité qui a raison. Bornée, la servante de Mme Aubin ? Elle est en avance sur tout le monde. Moins de deux siècles à attendre, et voici l'heure de Google Earth.

jeudi 25 août 2011

La Porte ! #7 : Raúl Ruiz





Une porte qui se ferme, et c'est un peu de la beauté du monde qui s'envole...

mercredi 24 août 2011

In Memoriam


Raúl Ruiz 1941-2011.

Il y a des nouvelles qui font bien moins plaisir que d'autres parmi celles qu'on découvre au retour des vacances...

lundi 15 août 2011

Fermeture temporaire de la Chambre


En raison de vacances s'accompagnant d'un déplacement sous d'autres cieux, la porte de la Troisième Chambre restera close pour une dizaine de jours au moins. Toutefois, c'est avec plaisir que nous accueillerons, durant ce temps, toute visite sur notre modeste yacht. L'équipage aura ses soirées. Il y aura du faisan froid, du champagne, et les derniers disques de Rudy Vallee.

vendredi 12 août 2011

L'art de l'éloignement rapproché



… y cuando, desdeñosa, te desvíes, 
llévate allá la voz con que te llamo.

… et lorsque dédaigneuse tu t’enfuis,
emporte au loin cette voix qui t’appelle.


Francesco de Quevedo, sonnet à Lisida, et traduction par Jacques Ancet.

mercredi 10 août 2011

Je ne vois qu'en esprit...


Dans Rouge (Yin ji kau), de Stanley Kwan, il y a la forme d'une ville qui change plus vite, hélas, que le cœur d'une morte. Il y a l'errance mélancolique d'Anita Mui qui est déjà un fantôme, dans un Hong Kong qu'elle ne reconnaît plus, à la recherche de Leslie Cheung qui ne s'est pas encore suicidé en sautant d'un triste 24e étage. Il y a un couple qui s'interroge sur sa propre relation amoureuse, à l'abri des orages extrémistes de la passion romantique. Il y a des allers et retours entre deux époques, et entre elles des rencontres impossibles, et des mouvements de caméra qui nous font croire à des disparitions à la faveur d'un contrechamps, mais non. Il y a des coulisses d'opéra chinois et des plateaux de tournage de cinéma. Il y a une certaine idée du film parfait.

mardi 9 août 2011

Temps sans cendres


Hélas ! que j'en ai vu mourir de jeunes filles !
C'est le destin. Il faut une proie au trépas.
Il faut que l'herbe tombe au tranchant des faucilles ;
Il faut que dans le bal les folâtres quadrilles
     Foulent des roses sous leur pas.

Il faut que l'eau s'épuise à courir les vallées ;
Il faut que l'éclair brille, et brille peu d'instants,
Il faut qu'avril jaloux brûle de ses gelées
Le beau pommier, trop fier de ses fleurs étoilées,
     Neige odorante du printemps.

Oui, c'est la vie. Après le jour, la nuit livide.
Après tout, le réveil infernal ou divin.
Autour du grand banquet siège une foule avide ;
Mais bien des conviés laissent leur place vide,
     Et se lèvent avant la fin.


Victor Hugo, Les Orientales, "Fantômes", I. Stanley Kwan, Yin ji kau.

lundi 8 août 2011

Mémoire de l'instant

S'étant tournée dans le lit, elle laisse, derrière elle, un sillage d'épingles à cheveux.

samedi 6 août 2011

Communauté des possibles

En guise de réponse à un billet de Ran.


Rien n'interdit, bien sûr, de chercher une cohérence, un sens, derrière les bribes d'histoires de voisinage que saisit le regard voyeur de Jeff Jeffries depuis sa Rear Window. Il me semble toutefois que l'on peut aussi bien et là réside ma préférence voir dans ledit voisinage un assez formidable réservoir d'histoires, de fictions possibles. Au sein de celui-ci, l'élection de l'intrigue concernant le couple Thorwald n'est finalement qu'une possibilité parmi d'autres, exactement comme le sont les deux éventualités concurrentes que Lars Thorwald ait ou non tué sa femme, ce qui importe finalement assez peu (Hitchcock ayant retenu la leçon de Suspicion et de son verre de lait...). Que Jeffries ait débusqué un meurtrier ou qu'il en fantasme un, aucune des deux hypothèses ne ferait nécessairement un moins bon film que l'autre, tout comme l'on pourrait imaginer une œuvre entièrement centrée sur l'histoire de "Miss Lonelyheart" (l'une de mes "possibilités" préférées... peut-être mon côté midinette), du couple au chien ou des jeunes mariés. Mélodrames, comédies, thrillers... Comme autant de pages arrachées d'une réécriture de La Vie mode d'emploi de Perec, nous apercevons par les fenêtres des fragments de vies et d'histoires dont nous ne connaîtrons jamais l'entièreté. Comme aussi dans notre quotidien, au fil de nos déambulations et des croisement fugitifs de tous ces inconnus qui nous entourent. Comment l'imagination pourrait-elle résister à la tentation de s'en emparer, ne fût-ce, là encore, que pour quelques instants ?

Et vous, quel est votre voisin préféré ?

vendredi 5 août 2011

Affichage libre

On fait parfois de surprenantes et bien belles découvertes au hasard de l'Internet, et une fois n'est pas coutume, je ne résiste pas à partager ici ma dernière en date. Le blog Alien Corset présente les affiches sérigraphiées réalisées depuis trois ans par David O'Daniel pour le Castro Theatre de San Francisco, qui a eu la brillante idée de se faire créer ses propres affiches pour les films qu'il diffuse. En voici une sélection personnelle, faite selon des critères drastiquement subjectifs, et néanmoins difficile mais je ne peux que vous encourager à aller explorer par vous-même le blog de l'artiste où vous trouverez, actuellement, près d'une soixantaine d'affiches ainsi recréées, du Kid de Chaplin au Dark Knight de Nolan, reproduites en grande taille, et pourrez même faire quelques achats si le cœur vous en dit.










mardi 2 août 2011

L'étranger dans la glace

Hypothèse : ne serait-il pas possible de relire le cas du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde, en supposant qu'à l'origine Hyde n'est pas la création de Jekyll, mais Jekyll la création d'un Hyde soucieux de se créer quelque couverture respectable ?...