Si nous ne pouvons la faire pratiquer je m’arrangerai de manière que la chambre du fond sera inconnue, barricadée, impénétrable pour les étrangers. Je serai censée n'avoir que deux pièces, la troisième sera la chambre noire, la chambre mystérieuse, la cachette du revenant, la loge du monstre, la cage de l'animal savant, la niche du trésor, la caverne du vampire, que sais-je ? nous verrons. (George Sand, Correspondance, N°388, p.882.)
samedi 31 janvier 2015
Aux étoiles
– Les étoiles ? demanda-t-il. Savez-vous qu'elles m'effraient ? Ce que j'ai appris d'elles est une façon de m'en libérer, d'oublier l'infini, la nuit éternelle dans laquelle nous flottons d'une manière absurde, et pour tout vous dire, vous m'effrayez aussi... On doit vivre avec ces étoiles, faire comme si elles n'étaient pas l'essentiel, nous réfugier dans les médiocres activités terrestres, des choses à notre portée quand, ailleurs, dans ces nuits si insupportables aux vivants que la nature a dû inventer le sommeil, résonne je ne sais quel mécanisme qui finira par nous broyer.
Robert Alexis, L'Homme qui s'aime.
mercredi 28 janvier 2015
Éloge du jusqu'au-boutisme
Le chemin vers l'Art comme ascèse de moine-soldat, passant par le sang, la sueur et les larmes : sur le principe, Whiplash a comme un air de Black Swan, me direz-vous. De fait, le film de Damien Chazelle sonne, pour ainsi dire, à mes oreilles, comme une réponse (version jazz) aux critiques que je portais, à l'aube de ce blog, au film surcoté d'Aronofsky sur son incapacité à s'engager totalement dans une voie ou une autre. Quitte à prendre le risque d'en faire trop, de frôler l'outrance et peut-être même le ridicule (la scène de l'accident de voiture laisse un peu ébahi) ; délivrant, du reste, un film parfaitement amoral (la morale n'étant pas une catégorie esthétique), en donnant raison dans ses derniers instants au haïssable personnage du mentor tyrannique ; Chazelle tient jusqu'au bout son propos, sans dévier ni faiblir, et avec succès, jusqu'à son grand final musical dont on ressort tout à la fois épuisé et enthousiasmé.
mercredi 21 janvier 2015
Top ciné 2014
1. Kaguya-hime no monogatari – Takahata Isao
Une grand fresque intimiste, une ode poétique à la simplicité des sentiments et de la nature face aux scléroses d'un cadre social, une démonstration de maestria graphique navigant entre les styles selon les besoins du moment, le tout sans jamais perdre de vue l'unité du projet, ni l'émotion qui s'en dégage même dans ses moments les plus "retenus". On était sans nouvelles de Takahata depuis plus de dix ans et voilà qu'il revient tirer sa révérence sur un chef-d'œuvre, tout simplement.
2. The Grand Budapest Hotel – Wes Anderson
Moonrise Kingdom aurait fini premier d'un tel classement il y a deux ans : inutile de (se) le cacher, je suis fan de l'Anderson des années 2010. Et si l'actualité a repoussé la publication mais non chamboulé l'ordre de ce classement, ce petit essai d'élégance déplacée et de cinétique burlesque par temps sombres est encore moins pour nous déplaire dans le contexte immédiat...
3. Gone Girl – David Fincher
Grinçante comédie du remariage et satire sociale sanglante (au propre comme au figuré) camouflés sous les atours d'un thriller hitchcockien, Gone Girl allie, pour le dire vite, le mordant du Fincher des années 90 à l'élégance plus classique de la mise en scène peaufinée au cours des années 2000. Délectable.
4. Her – Spike Jonze
Ultra-moderne solitude contre relations virtuelles évanescentes, place croissante de certaines technologies dans nos quotidiens et prolifération des mondes possibles, en soutien ou en dépit du réel : et si le grand film de science-fiction de 2014 ne nous entraînait pas vers les étoiles, mais au plus près du présent ?
5. ex aequo
Byzantium – Neil Jordan [sortie directe en DVD]
/ Only Lovers Left Alive – Jim Jarmusch
Byzantium – Neil Jordan [sortie directe en DVD]
/ Only Lovers Left Alive – Jim Jarmusch
L'un peut-être un peu trop naïf, l'autre peut-être un peu trop poseur, mais surtout pareillement traversés par la grâce, deux films de vampires opposés sur la forme (sentimentalité à fleur de peau contre décadentisme ironique) qui n'en avancent pas moins sous la même bannière : le romantisme est non-mort.
dimanche 11 janvier 2015
Au-delà du carré noir...
Se non si grida evviva la libertà umilmente
Non si grida evviva la libertà.
Se non si grida evviva la libertà ridendo
Non si grida evviva la libertà.
Se non si grida evviva la libertà con amore
Non si grida evviva la libertà.
Si on ne crie pas Vive la liberté avec humilité
On ne crie pas Vive la liberté.
Si on ne crie pas Vive la liberté en riant
On ne crie pas Vive la liberté.
Si on ne crie pas Vive la liberté avec amour
On ne crie pas Vive la liberté.
Pier Paolo Pasolini, La Rabbia.
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