samedi 14 février 2015

Élévation


La révolution comme l'acte religieux a besoin d'amour. La poésie est un véhicule intérieur de l'amour. Nous devons donc, poètes, produire cette "sueur de sang" qu'est l'élévation à des substances si profondes, ou si élevées, qui dérivent de la pauvre, de la belle puissance érotique humaine.

Pierre Jean Jouve, avant-propos à Sueur de Sang.

mardi 10 février 2015

Pesanteurs


Voilà un film qui entend chanter la chaleur et la communauté des sentiments humains, et dont ne se dégage aucune émotion ; un film militant à l'engagement si gauchement affiché (sans jeu de mot) qu'il en devient contre-productif ; un film inspiré d'évènements historiques auxquels il parviendrait presque à ne pas nous faire croire. Les lourdeurs rhétoriques démonstratives sont depuis longtemps une menace récurrente sur le cinéma de Ken Loach, mais Jimmy's Hall, son dernier opus en date, offre un exemple achevé de ratage tant toute vie, ou peu s'en faut, s'y éteint enterrée sous le poids du propos didactique. La raison fondamentale : l'œuvre est totalement dépourvue de personnages. Au mieux, ce sont des types ; le plus souvent, ce sont des thèses et des antithèses ambulantes, mal dissimulées sous des masques dépourvus d'intériorité, de chair, d'histoire, au demeurant interchangeables, qui ne sont là que pour débiter leur ligne théorique sur ce qu'il faut faire ou ne pas faire, penser ou ne pas penser. À côté de ça, quelques belles images (d'un classicisme efficace) de la campagne irlandaise, et de finalement trop rares plans de fête populaire sur fond de jazz ou de musique traditionnelle (quand un montage alterné, pour le moins peu subtil, avec le sermon de l'église locale ne vient pas ruiner la chose), ne suffisent hélas pas à sauver le tout.

mercredi 4 février 2015

Petite corruption


A Most Violent Year a de faux airs de Godfather en réduction. Ceci soit dit sans que cela soit une critique négative, ni de l'un, ni de l'autre. Moins ambitieux dans sa forme, évidemment, il propose également à son personnage principal un renversement moins éclatant moins complet, en apparence que celui de Michael Corleone dans le film de Coppola, qui passait de l'étudiant fermement décidé à se tenir à l'écart de toute illégalité au rôle de nouveau "parrain" de sa famille mafieuse. Le parcours d'Abel Morales est plus subtil, au point qu'il a pu échapper à certains spectateurs (voire à certains critiques), et, ce qui est plus intéressant, qu'il échappe, selon toute apparence, au personnage lui-même. Sur fond de deuxième choc pétrolier, et de prémices du déchaînement du néolibéralisme, le film de J.C. Chandor n'est autre que la chronique feutrée d'une corruption, qui voit un tenant exemplaire de toutes les valeurs et les vertus de l'American Way of Life en venir à se renier totalement à accepter sans plus ciller le recours à la violence comme à la magouille, qu'elle soit financière ou politique, ou le sacrifice d'un employé encombrant tout en restant persuadé d'arpenter "the path that is most right", le chemin "le plus droit possible" vers le succès. Et en continuant, également, à délivrer des leçons de morale à ce propos, et à se donner en modèle. Est-il besoin de préciser qu'on n'est toujours pas sorti de ce monde-là ?