samedi 14 mai 2011

Le plus drôle des films d'horreur


Le monde de La Blonde explosive de Frank Tashlin (Will Success Spoil Rock Hunter?, 1957), soit l'Amérique du jour et du lendemain, et le monde entier du surlendemain, est un monde apocalyptique à propos duquel on ne saurait pas même parler de superficialité, le terme contenant encore au moins la possibilité d'une profondeur, d'une transcendance, d'un envers tout du moins, qui viendraient s'y opposer. Les jeux de renvois entre "réel" et "fiction" (Tony Randall authentique vedette du petit écran, Mickey Hargitay vrai fiancé de Jayne Mansfield, allusions ironiques aux films des uns et des autres...) en sont d'ailleurs un signe. Artisan, à sa modeste mesure, de ce monde de publicités vantant sans vergogne les mérites du pire, d'employés sous tranquillisants rêvant d'une ascension sociale symbolisée par l'accession à des toilettes privées, de délinquance juvénile aggravée par l'onéreuse fréquentation des psys, de scoops programmés et scénarisés et de starlettes décérébrées affichant sur toutes les chaînes de télé leur slip et leur crétinerie devant des foules fascinées et bientôt imitatrices (terrifiantes scènes de la transformation de Jenny !), Rockwell P. "lover doll" Hunter semble devoir à ce statut la lucidité, toute relative soit-elle, qui le caractérise lorsque lui tombe dessus sa propre success story médiatique et qui lui vaut, seul, de percevoir celle-ci comme un calvaire dément, un chemin de croix cartoonesque. À moins qu'il ne faille créditer le personnage de Rita Marlowe de plus d'esprit qu'elle n'en montre, tant il est vrai qu'au milieu d'autres "reconversions" dérisoires ou grotesques, convoler avec Groucho Marx est encore la plus judicieuse des portes de sortie. Ce que nous propose Tashlin en fin de compte, c'est le salut dans le rire envisagé comme saut dans le vide, sans filet possible.

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