samedi 21 mai 2011

Petits Mystères


Baroque encore (alors que le réalisateur n'avait pas toujours, par le passé, su dépasser les limites du maniérisme) le grand œuvre que nous avait offert Raoúl Ruiz l'an dernier, ses Mystères de Lisbonne reformulant magistralement en un film unique et fascination la profuse (et confuse ?) matière d'un roman-feuilleton peut-être moins digne de mémoire, transformé en ode aux histoires dont nous avons besoin pour nous maintenir en vie, jusqu'à ce qu'elles nous tuent. Un peu à la manière (toutes proportions gardées) d'un Manuscrit trouvé à Saragosse de Potocki, la structure close du film ne semblait être là que pour renforcer paradoxalement l'impression que des récits auraient pu continuer à y être engendrés et enchevêtrés jusqu'à l'infini. Ce qui rendait à la fois attirante et inquiétante l'annonce d'une version longue sous forme de mini-série devant être diffusée sur Arte "au printemps", soit, au bout du compte, ces jeudi et vendredi soirs derniers. Au final, les ajouts se limitent à deux séquences, l'une occupant une partie du troisième épisode, occasion de beaux moments de mise en scène mais d'un intérêt scénaristique plus accessoire, l'autre constituant la presqu'intégralité du quatrième, proposant une histoire plus marquante mais déséquilibrant l'ensemble, justement, par sa durée. Et bien sûr, les génériques de fin... Au cinéma, un entracte, précédé d'une relance judicieusement exploitée des mystères, organisait la projection en deux parties, la première portugaise et liée à l'enfance, et la seconde plus cosmopolite, éclatée et mélancolique. Dans la version télévisée, cette structure disparaît, déplacée et enfouie dans la réorganisation en épisodes, remplacée par des coupes abruptes et d'apparence assez gratuites, qui semblent montrer que Raoúl Ruiz n'a aucune idée des règles de construction d'une série : il ne les suit ni ne joue avec, mais les ignore purement et simplement. Ajoutons enfin que le petit écran pose quelques soucis de lisibilité, eût égard à l'utilisation dominante des plans larges ; en revanche, ce format a l'avantage de rapprocher étrangement l'ensemble de ce que nous voyons de ce petit théâtre portatif dont le réalisateur a fait le centre de son dispositif... Qu'importe, finalement. Sous une forme ou sous une autre, nous retournerons à Lisbonne, pour y croiser le père Dinis aux vingt masques et aux cent vies, l'énigmatique et captivant Alberto de Magalhães ou l'ange noir Elisa de Montfort. Et rêver à d'autres histoires encore.

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