jeudi 7 avril 2011

Du bon usage de l'indécision

You could be brilliant, but you're a coward. Thomas (Vincent Cassel)


Eût égard à l'importance que le thème revêt dans Black Swan, quitter finalement la salle de projection avec un sentiment de frustration n'est pas sans une certaine cohérence – cette cohérence qui est peut-être bien, justement, ce qui manque le plus à la dernière réalisation de Darren Aronofsky. Celle-ci n'est pas, tant s'en faut, dénuée de qualités. Mais de ce film loué un peu partout comme synthèse originale et réussie entre le documentaire et le thriller, il ressort pourtant que sa principale faiblesse est l'incapacité de son maître d'œuvre à choisir clairement une voie. De quelle pesante application Aronofosky ne fait-il pas preuve pour maintenir son hésitation fantastique ! À vouloir à tout prix perpétuer des ambiguïtés qu'il échoue à ne pas faire apparaître (c'est là le drame) des plus plaquées et artificielles, le réalisateur leur ôte rapidement toute efficacité. Aussi les meilleures scènes sont-elles celles où Aronofosky semble assumer, ne fût-ce qu'un temps, de s'engager pour de bon dans ce qu'il nous montre. C'est lorsqu'enfin le Cygne noir prend le dessus et que Nina se métamorphose véritablement sur la scène, brandissant ses plumes sur la musique de Tchaïkovski, que le film lui aussi semble enfin, à son tour, déployer ses ailes. De même, auparavant, pour la sauvage scène saphique entre Nina et Lilly, qui a le mérite d'y aller franchement, après toute une partie prétendant instaurer un climat d'érotisme plus ou moins latent, si pataudement surligné là encore que ne s'en dégage aucun trouble. Tout cela malheureusement n'a qu'un temps, et le réalisateur ne tarde pas à revenir à ses jeux d'atermoiements imposés et de revirements attendus. Sans amante dans son lit, sans cadavre dans son placard, Nina est à l'image de tout le métrage, qui malmène ses spectateurs une heure et demi durant pour un résultat finalement assez vain, leur refusant, et la jouissance authentique du conte, et la morale finale du réalisme. Paradoxe d'un film qui n'est jamais si démonstratif que lorsqu'il prétend rester dans l'indécis. 

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