dimanche 27 octobre 2013

He who just didn't care


Lou Reed – 1942-2013.


Men of good fortune
often cause empires to fall
While men of poor beginning
often can't do anything at all

The rich son waits for his father to die
the poor just drink and cry

And me, I just don't care at all ...

vendredi 18 octobre 2013

Brigadoon, extérieur nuit


Plus encore peut-être que pour An American in Paris qui le précède de quelques années, le décor de carton-pâte de Brigadoon participe pleinement, non seulement du charme, mais de la logique même du film, au point qu'il est difficile d'imaginer l'histoire racontée dans un autre environnement : cette Écosse de studio ne se résume pas à un succédané pratique de paysage extérieur réel (ou réaliste), elle est un monde à part entière, ignoré des cartes, le seul dans lequel le récit puisse vraiment prendre place ; et elle est aussi, quasiment, un personnage à part entière, sans doute l'un des principaux du film (il faut dire que Gene Kelly et Cyd Charisse écopent pour leur part de rôles un brin falots, on les a connu plus inspirés). Ce caractère antinaturel du décor éclate dès les premières images et est encore explicité par l'une des premières répliques : "You know, something about this forest gives me the feeling of being in a cathedral." Comme tout bon personnage, cependant, ce décor n'est pas monolithique. Le village pittoresque et joyeusement animé ("Come ye to the fair!..."), la bruyère ensoleillée ne le résument pas tout entier, et Brigadoon a aussi sa part d'ombre, d'autant plus irréductible peut-être qu'elle semble difficilement s'emboîter avec le reste. Car si le village s'éveille à l'aube, il ne s'endort pas dès que tombe le soir et on ne saurait donc réduire les choses à une opposition binaire. Certain plans crépusculaires ne dépareraient pas dans une production Hammer des années suivantes. Le "miracle" de Brigadoon s'origine dans la terreur – dont le bien-fondé est laissé curieusement en suspens d'un pays dominé par les sorcières. La scène de la traque du fiancé délaissé cherchant à quitter le village, qui s'achève de la plus sinistre façon, est des plus marquantes, s'inscrivant en contrepoint absolu de la vision idyllique développée dans le reste du film, et le dernier numéro en duo de Cyd et Gene, qui lui fait directement suite, se déroule, assez curieusement, dans un décor on peut difficilement plus gothique (mais dont la présence même, à y bien réfléchir, cadre mal avec l'histoire du village) : une nuit dans une abbaye en ruine... Il est évident, et il ne s'agit pas de le nier, que le film demeure très majoritairement "solaire" ; mais cela ne tient-il pas pour beaucoup au fait qu'il demeure centré sur l'histoire d'amour du couple principal ? Minnelli ne nous laisse pas ignorer que d'autres points de vue sont possibles, pour lesquels le rêve aurait des allures de cauchemar ; et ses choix de mise en scène semblent accentuer ces effets de contraste, qu'ils auraient aussi bien pu atténuer.



Considérant cela, on s'étonnera moins que Brigadoon ait enfanté un certain nombre variations autrement plus sombres et/ou sanglantes (dont l'un des tout premiers films gore !). Parmi les plus récentes, me vient l'idée qu'il faudrait compter le Village de M. Night Shyamalan, qui, passé les différences manifestes avec la comédie musicale considérée, offre tout de même quelques troublantes coïncidences. Dans les deux cas, on retrouve en effet l'idée d'une communauté qui s'est repliée sur une époque passée (du point de vue des spectateurs / référents) dans ce que l'on perçoit comme une double peur, généralement, de la marche de l'Histoire et du progrès, et particulièrement, de forces surnaturelles maléfiques dont l'évocation sert à cantonner les villageois dans les frontières qui leur sont assignées... Les deux films montrent également l'ambivalence de ce choix, qui permet à certains personnages de trouver effectivement le bonheur, mais est aussi susceptible d'entraîner les plus tragiques conséquences, dès lors que d'autres ne peuvent se satisfaire de ce que ces limitations leur offrent. Derrière les attendus  différents, l'un brillant et l'autre sombre, de la comédie musicale hollywoodienne classique et du film d'épouvante, et par-delà la disparités des approches esthétiques, c'est bien le même territoire qu'arpentent pour l'occasion Minelli et Shyamalan, marqué des mêmes ambiguïtés.