mardi 31 décembre 2013

Au bal, #2

 
La Troisième Chambre vous souhaite
une bonne année 2014
pleine de rêves et de troublantes visions...

jeudi 5 décembre 2013

Ouvre les yeux


Le Rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l'image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l'instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l'œuvre de l'existence. C'est un souterrain vague qui s'éclaire peu à peu, et où se dégagent de l'ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres : le monde des Esprits s'ouvre pour nous.

Gérard de Nerval, Aurélia. Dario Argento, Phenomena.

lundi 2 décembre 2013

Le sourire de la sorcière


Est-ce parce qu'on a beaucoup glosé sur le sourire final, entr'aperçu, de Suzy Banyon / Jessica Harper, dans les derniers instants de Suspiria, qu'Argento remet le couvert dix ans plus tard, comme une signature, à la fin de Phenomena ? De fait, ceux qu'on pourrait appeler ses deux "films de pensionnat féminin" entretiennent tellement de rapports qu'alors que le premier s'était imposé de par sa façon résolument neuve de raconter de vieilles histoires, le second donnerait plutôt l'impression d'être en pays de connaissance ; au risque même que les effets de reprise occultent quelque peu ceux de variation. Mise en scène du film présent et souvenirs plus ou moins conscients du film passé tendent donc à se conjuguer à la vision de Phenomena pour, notamment, ne laisser planer aucun doute sur la répartition des forces en présence. Dans les deux cas, une jeune héroïne toute de blanc et de probité vêtue débarque d'Amérique dans la vieille Europe et intègre un environnement fondamentalement hostile. Les pensionnaires qui sympathisent avec la candide ou prennent son parti allongent inévitablement la liste des victimes des morts mystérieuses en série. Ajoutons que n'importe qui ou presque donnerait le Bon Dieu sans confession au joli minois de Jennifer (Connelly comme Corvino), et l'on comprendra que, dans un tel contexte, même les curieuses crises de somnambulisme du personnage et ses bizarres pouvoirs de communication avec les insectes ne jettent pas l'ombre d'un doute sur son caractère positif. Même lorsqu'une des représentantes de l'institution honnie (mais cette position suffit à invalider immédiatement pour nous son discours) rappelle l'étymologie du nom de Belzébuth, et qualifie la jeune femme de "Maîtresse des Mouches". Même lorsqu'elle finit le film en la seule compagnie d'un singe armé d'un rasoir qui, tout charmant et sympathique qu'il soit, n'en est pas moins un double évident de l'orang-outang meurtrier de la rue Morgue de Poe. À y regarder de près néanmoins, la scène de l'affrontement sur la barque avec son déchaînement de sombres nuées appelées par l'héroïne n'évoque pas tant l'habituel face à face dramatique du tueur et de la victime potentielle, qu'une autre figure de style bien connue du genre : celle du duel de monstres. Et le sourire affiché par Jennifer alors qu'elle nage pour rejoindre le rivage, après s'être assurée qu'elle est bien parvenue à se débarrasser d'un adversaire qui, si difforme et agressif qu'il fût, n'en était pas moins un enfant, ne semble pas celui de l'innocente survivante. C'est un sourire confiant, conquérant, victorieux. Ce sourire, c'est celui de la sorcière qui s'éloigne de son bûcher.

jeudi 28 novembre 2013

Vision automnale

La voiture qui démarre
chargée de feuilles mortes
d'un arrêt prolongé
charrette renversant
les signes de l'automne
sur la route épuisée

mercredi 6 novembre 2013

Un écrivain de la Frontière

I saw the world I had walked since my birth and
I understood how fragile it was, than the reality I knew
was a thin layer of icing on a great dark birthday cake
writhing with grubs and nightmares and hunger. [...]
I saw there were patterns and gates and paths beyond the real.


Que la réalité des romans de Neil Gaiman (ou si le terme de réalité s'avère trop problématique, disons le monde quotidien, ou encore, dunsaniesquement, celui de "nos contrées familières") soit comme dotée d'une sorte de doublure, où rôdent monstres et dieux, démons et merveilles : le fait, objectera-t-on, n'est pas extraordinaire dans le domaine des "littératures de l'imaginaire". Tout comme le personnage de son dernier roman, sorti cet été, The Ocean at the End of the Lane (personnage avec qui il partage plus d'un point commun, roman où il dévoile son intimité comme rarement), Gaiman a, certes, dévoré les volumes du Narnia de C.S. Lewis reçus pour ses sept ans... Reste que si la matière est commune, la manière est plus singulière. C'est que, de l'armoire magique au quai 9 ¾, le passage de l'ici à l'ailleurs est souvent étroitement balisé : "l'autre monde" nous est caché, le transit réglementé. Mais les choses se présentent rarement ainsi chez Gaiman, et les exceptions, de surcroît, semblent d'abord tenir à des références extérieures : le Mur qui sépare le village du début de Stardust du pays des fées est un hommage manifeste au bijou de lord Dunsany (justement), The King of Elfland's Daughter ; le passage qu'emprunte Coraline rappelle évidemment les pérégrinations de l'Alice de Lewis Carroll. Bien plus souvent, la séparation entre quotidien et surnaturel est poreuse, perméable. L'ange Aziraphale et le démon Crowley se sont tant accoutumés à fréquenter l'humanité qu'ils en viennent à prendre son parti (Good Omens) ; Richard Mayhew vient en aide à une jeune femme croisée dans la rue, et se retrouve du jour au lendemain banni de la société ordinaire, et projeté dans l'invisible cour des miracles de London Below (Neverwhere) ; Shadow n'a pas le temps de comprendre ce qui lui arrive que son entourage se met à se composer exclusivement d'anciens dieux en exil, survivant par les moyens du bord dans un pays où nul ne croit plus en eux (American Gods), tandis que le jeune Nobody Owens, élevé par des fantômes, circule librement entre le monde des vivants et celui des morts (The Graveyard Book). The Ocean at the End of the Lane ne déroge pas à la règle et y apporte même une touche supplémentaire par le choix du point de vue, ou plutôt des points de vue adoptés. Le narrateur, retour d'un enterrement familial, y revient sur les lieux de son enfance – et d'étranges évènements dont il avait, curieusement, jusque-là tout oublié. Avec une maestria qui ne se donne pas l'air d'y toucher, Gaiman entremêle dès lors en permanence la perception du narrateur adulte (qui, s'il n'est pas à strictement parler un autoportrait de l'auteur, l'évoque tout de même par bien des points) et de l'enfant qu'il a été – chacun des deux étant susceptible de comprendre des choses que l'autre ne comprend pas encore, ou ne comprend plus. Ce double éclairage projette au moins autant, si ce n'est davantage, de zones d'ombres que de lumières révélatrices. L'idée d'une compréhension totale n'est qu'une possibilité éphémère et vouée à l'oubli. Surtout, aucune option n'est fondamentalement plus rassurante que l'autre. Le monde "normal" des adultes peut sembler à l'enfant aussi irrationnel et menaçant que le monde fantastique. Que la nouvelle baby-sitter soit une incompréhensible créature d'un autre monde, régi par des règles mystérieuses, ou qu'il s'agisse d'une simple séductrice dont l'emprise sur le père de famille bouleverse jusqu'à la violence le comportement de celui-ci envers sa progéniture, sont deux possibilités fondamentalement tout aussi terrifiantes. La porosité générale et indécise des mondes, des logiques, des points de vue exclue l'existence de postes-frontières contingentés, et, par là même, que Gaiman ait à nous livrer toutes ses clésce dont on ne se plaindra pas quand il fait de tout lieu et de tout moment une occasion potentielle de merveilleuse découverte ou d'inquiétante invasion.

dimanche 27 octobre 2013

He who just didn't care


Lou Reed – 1942-2013.


Men of good fortune
often cause empires to fall
While men of poor beginning
often can't do anything at all

The rich son waits for his father to die
the poor just drink and cry

And me, I just don't care at all ...

vendredi 18 octobre 2013

Brigadoon, extérieur nuit


Plus encore peut-être que pour An American in Paris qui le précède de quelques années, le décor de carton-pâte de Brigadoon participe pleinement, non seulement du charme, mais de la logique même du film, au point qu'il est difficile d'imaginer l'histoire racontée dans un autre environnement : cette Écosse de studio ne se résume pas à un succédané pratique de paysage extérieur réel (ou réaliste), elle est un monde à part entière, ignoré des cartes, le seul dans lequel le récit puisse vraiment prendre place ; et elle est aussi, quasiment, un personnage à part entière, sans doute l'un des principaux du film (il faut dire que Gene Kelly et Cyd Charisse écopent pour leur part de rôles un brin falots, on les a connu plus inspirés). Ce caractère antinaturel du décor éclate dès les premières images et est encore explicité par l'une des premières répliques : "You know, something about this forest gives me the feeling of being in a cathedral." Comme tout bon personnage, cependant, ce décor n'est pas monolithique. Le village pittoresque et joyeusement animé ("Come ye to the fair!..."), la bruyère ensoleillée ne le résument pas tout entier, et Brigadoon a aussi sa part d'ombre, d'autant plus irréductible peut-être qu'elle semble difficilement s'emboîter avec le reste. Car si le village s'éveille à l'aube, il ne s'endort pas dès que tombe le soir et on ne saurait donc réduire les choses à une opposition binaire. Certain plans crépusculaires ne dépareraient pas dans une production Hammer des années suivantes. Le "miracle" de Brigadoon s'origine dans la terreur – dont le bien-fondé est laissé curieusement en suspens d'un pays dominé par les sorcières. La scène de la traque du fiancé délaissé cherchant à quitter le village, qui s'achève de la plus sinistre façon, est des plus marquantes, s'inscrivant en contrepoint absolu de la vision idyllique développée dans le reste du film, et le dernier numéro en duo de Cyd et Gene, qui lui fait directement suite, se déroule, assez curieusement, dans un décor on peut difficilement plus gothique (mais dont la présence même, à y bien réfléchir, cadre mal avec l'histoire du village) : une nuit dans une abbaye en ruine... Il est évident, et il ne s'agit pas de le nier, que le film demeure très majoritairement "solaire" ; mais cela ne tient-il pas pour beaucoup au fait qu'il demeure centré sur l'histoire d'amour du couple principal ? Minnelli ne nous laisse pas ignorer que d'autres points de vue sont possibles, pour lesquels le rêve aurait des allures de cauchemar ; et ses choix de mise en scène semblent accentuer ces effets de contraste, qu'ils auraient aussi bien pu atténuer.



Considérant cela, on s'étonnera moins que Brigadoon ait enfanté un certain nombre variations autrement plus sombres et/ou sanglantes (dont l'un des tout premiers films gore !). Parmi les plus récentes, me vient l'idée qu'il faudrait compter le Village de M. Night Shyamalan, qui, passé les différences manifestes avec la comédie musicale considérée, offre tout de même quelques troublantes coïncidences. Dans les deux cas, on retrouve en effet l'idée d'une communauté qui s'est repliée sur une époque passée (du point de vue des spectateurs / référents) dans ce que l'on perçoit comme une double peur, généralement, de la marche de l'Histoire et du progrès, et particulièrement, de forces surnaturelles maléfiques dont l'évocation sert à cantonner les villageois dans les frontières qui leur sont assignées... Les deux films montrent également l'ambivalence de ce choix, qui permet à certains personnages de trouver effectivement le bonheur, mais est aussi susceptible d'entraîner les plus tragiques conséquences, dès lors que d'autres ne peuvent se satisfaire de ce que ces limitations leur offrent. Derrière les attendus  différents, l'un brillant et l'autre sombre, de la comédie musicale hollywoodienne classique et du film d'épouvante, et par-delà la disparités des approches esthétiques, c'est bien le même territoire qu'arpentent pour l'occasion Minelli et Shyamalan, marqué des mêmes ambiguïtés.

dimanche 1 septembre 2013

Glissements progressifs...

 



Il se dessine, au fil des rééditions du Sein paillardo-kafkaïen de Philip Roth en "Folio" Gallimard, comme une évolution notable dans la succession des illustrations de couvertures. Toi aussi, comme dans ces énigmes mathématiques faciles où il faut deviner le terme suivant d'une suite logique, devine à quoi ressemblera la couverture des années 2030, au prochain changement d'habillage (c'est le cas de le dire) du texte. – Personnellement, je parie sur un portrait de l'auteur...

lundi 26 août 2013

Lectrice


Dans le métro, retour d'une rencontre tarifée, Isabelle, dix-sept ans, lit Les Liaisons dangereuses. Jeune & jolie, ou l'histoire d'une Cécile de Volanges se rêvant marquise de Merteuil ?

jeudi 22 août 2013

Du voyage


– L'ailleurs est un miroir en négatif. Le voyageur y reconnaît le peu qui lui appartient, et découvre tout ce qu'il n'a pas eu, et n'aura pas.

Italo Calvino, Les Villes invisibles (Le Città invisibili, traduction par Jean Thibaudeau).

dimanche 11 août 2013

Brèvissimes

Vu à l'entrée d'une exposition Raymond Depardon, ce panneau quelque peu déstabilisant : PHOTOGRAPHIE INTERDITE. Ah.

*

Si le silence après du Mozart est encore du Mozart, les applaudissements des spectateurs après une exécution de Clapping de Steve Reich sont-ils encore du Steve Reich ?...

*

Pour les oiseaux pépiant dans le jardin au son des sonates de Scarlatti (au piano, par Alice Ader), la question ne se pose pas. Ils dansent.


*

L'orage avait voilé les monts environnants, n'en laissant plus voir que les lignes de crêtes, le dessous simplement empli d'aplats de brumes en légères nuances de gris. Et voilà comment un paysage des Alpes se transforme en peinture chinoise.

vendredi 12 juillet 2013

Retour à l'Auberge du dragon


Il est une scène dans Lóng Mén Fēi Jiǎ (The Flying Swords of Dragon Gate ou encore, chez nous, Dragon Gate: la légende des sabres volants) où deux des personnages, se tenant l'un l'autre par une chaîne métallique, s'affrontent dans un duel au sabre, dans les airs, au milieu du tourbillon d'une tornade qui les emporte, et des débris qu'elle charrie. Des effets spéciaux numériques dérisoires et assez mal troussés (c'est le côté "Terry Gilliam oriental" de Tsui Hark...) ajoutent encore au caractère totalement irréaliste de la chose, tout cela pourrait n'être que ridicule, et pourtant : cette séquence se révèle infiniment plus inventive, infiniment mieux conçue, et, in fine, infiniment plus jouissive, que n'importe quelle scène équivalente du récent et maladroit Man of Steel du tâcheron Zack Snyder. Conçu pour la projection en 3D sur grand écran, le dernier film du maître de Hong Kong est arrivé chez nous directement en DVD sans passer par les salles obscures, et il n'est pas évident de juger pleinement de la réussite esthétique du projet via un écran plat de télévision. S'il est certain que le réalisateur y affiche un goût pour les effets les plus (littéralement) "tape à l'œil" que permet cette technique, la possibilité d'une certaine grâce fascinante – dont le support ne nous offrirait, hélas, que l'ombre – se laisse néanmoins plus d'une fois deviner. Il est également certain que dans la filmographie de Tsui Hark, ce dernier opus en date est plus à situer dans la veine fantaisiste des Zu que du côté de ses autres tentatives passées d'approche plus "réaliste" du wuxiapian, parmi lesquelles (abstraction faite d'une fin virant déjà au grand-guignolesque) le superbe remake de 92 du classique de King Hu dont cette "légende des sabres volants" se présente comme le vrai/faux nouveau remake ou la vraie/fausse suite, la chose n'est pas très claire. De cette source première on ne retrouvera guère que l'idée d'une auberge pleine de chausses-trappes en bordure de territoire barbare, qu'une flûte laissée en gage d'amour et que le nom d'un héros dressé contre les manigances d'une police secrète impériale aussi cruelle que corrompue – mais tout cela, qui constituait la trame des "précédents" films, à présent mêlé à une débauche d'autres fils narratifs, qui rend d'ailleurs le récit à peu près impossible à suivre à la première vision : on y trouvera donc également une rivalité entre "bureaux" malfaisants, une courtisane enceinte et en fuite, un sosie de haut dignitaire, ou encore, last but not least, une chasse au trésor recelé par les ruines d'une cité ensevelie sous le sable, qu'une gigantesque tempête ne découvre qu'une fois par siècle et pour quelques minutes seulement... Ce que l'on retrouve aussi, et, peut-être, surtout, c'est l'inspiration serial (voire un tantinet pulp) qui présidait dans le précédent opus de Tsui Hark, Detective Dee, à ceci près que cet aspect faisait alors l'objet d'une certaine "maîtrise" qui n'est, cette fois, plus du tout de mise. Toute bride lâchée, se déploie alors un grand spectacle décomplexé, dont le sérieux de façade s'écaille régulièrement pour révéler une dimension en fait très drôle (que vient "signer" la  dernière saynète, clôturant le film sur une note de comique macabre des plus réjouissants). Lóng Mén Fēi Jiǎ n'est rien moins qu'une sorte d'Indiana Jones puissance 10 à la sauce chinoise. Mi-pastiche, mi-parodie, ironique sans mépris. Un de ces rares films qu'il convient de recevoir simultanément au premier degré et au deuxième (ou au troisième... ou plus...) et s'avère réussi sur chacun des plans. Fondamentalement et inextricablement nanardesque et génial.

lundi 10 juin 2013

Une chanson pour Sendak


Maurice Sendak aurait eu 85 ans aujourd'hui. Parce qu'on n'a toujours pas fini de courir – ou de faire courir – avec les choses sauvages ou dans la cuisine de nuit (avec un lointain petit frère de Little Nemo), exceptionnellement, laissons la Chambre résonner de musique. D'autant que chaque réécoute des Islandais d'Of Monsters and Men et de pas mal de titres de leur excellent My head is an animal tend à me fait penser que cela constituerait une excellente bande sonore pour ces albums...




samedi 8 juin 2013

... And all the men and women merely players



Rêveuse était la nuit peuplée de songes. La lune
Inerte et blanche au-dessus des miroirs,
Joue la pièce inconnue sur les tréteaux sanglants,
Nous passons, sans jamais regarder le décor,
Ni les costumes, sans rien comprendre :
Qui sommes-nous dans les grands corridors ?
Qui sommes-nous lorsqu'une larme, 
Parfaite et lumineuse, tremble à nos yeux,
Et que la flamme de l'espoir hésite,
Menacée par les vents invisibles ?

Alors la lune glisse entre les interstices
Des volets son jour blanc, et cherche à soulever
Les rancœurs effondrées sur l'habit de la veille.
La pièce, un radeau sur la mer.

Écoute, Seigneur, les naufragés de la longue nuit,
Ceux qui ne peuvent plus lever les mains vers Toi.
Car la fatigue les étreint dans la tiédeur du corps,
Mais entends battre au fond de leur poitrine
Un cœur inapte à rien saisir du mouvement dans la pénombre
Des anges les plus blancs et du jour le plus pur.


Philippe Delaveau, Eucharis, "Mise en scène".

lundi 27 mai 2013

Le fantôme de Huck Finn


En dépit de toute logique et de toute rationalité, même si je sais bien que rien dans le film n'invite réellement, explicitement, à un tel rapprochement, je ne peux m'ajouter de compte des charmes, intérêts et beautés de Mud de Jeff Nichols, le fait que le personnage-titre, venu de nulle part et qui y retournera de la même manière, ce fugitif criminel au grand cœur caché sur une île du Mississippi, m'évoque irrésistiblement un Huckleberry Finn qui aurait grandi, vieilli, et traversé les âges jusqu'à nous...

samedi 18 mai 2013

The Grandmaster en ses éclats


Le kung-fu, c'est deux mots : vertical, horizontal. Outre une orientation marquée, mais assez peu surprenante, vers le formalisme (en l'espèce, l'attention à l'apparence des idéogrammes plutôt qu'à leur sens), cette définition toute personnelle qui ouvre et clôt The Grandmaster (Yî Dài Zông Shî) de Wong Kar-wai attire l'attention sur une division, un antagonisme, ce qui ne détonne pas dans un film qu'on dira, au choix, tout entier parcouru ou prisonnier de jeux d'opposition. Esthétisation contre lisibilité, tout d'abord : ce qui apparaît clairement (si l'on peut dire) dans la scène d'ouverture, séquence de combat de rue sous la pluie aussi admirable et impressionnante... que foncièrement incompréhensible, tant dans ses enjeux que dans le détail de son déroulement. Un peu plus tard pourtant, le film semble s'engager dans une toute autre voie, dans une présentation résolument didactique des différentes techniques de kung-fu. Une autre opposition se dessine, dans le scénario comme dans la mise en scène : ce sera transmission contre affrontement. Sur la forme, on pourrait pointer un troisième binôme, mais qui n'est au fond qu'une variante des précédents, picturalité / chaos. Valse-hésitation perpétuelle entre une volonté explicative et pédagogique, et une réticence à se compromettre dans le "genre", qui, à force de ruptures, marque aussi une des limites du film. Sur le fond, on retrouvera ce même éclatement impossible à tenir dans le dilemme qui agite le grand maître Gong Baosen, qui ne peut transmettre son héritage d'unification des écoles de kung-fu sans que cela ne passe par une compétition qui va exactement à l'encontre de ce projet ; on remarquera que la première partie du film repose sur une division du pays entre Nord et Sud, division qui ne sera abolie par la suite que par la naissance d'une nouvelle frontière, entre Hong Kong, où se retrouvent relégués les personnages, et le reste de la Chine ; et que la "succession" de la famille Gong se retrouve elle-même divisée entre deux personnes en conflit, Ma San et Gong Er. On pense un moment, dans les dernières scènes (en particulier la belle dernière entrevue entre Ip Man et Gong Er, quand celle-ci lui annonce vouloir "boucler le cycle"), tenir la clé qui permettrait d'unifier le film par-delà toute les failles qui le constituent (aussi paradoxale que soit une telle formulation). Mais l'unité se dérobe encore une fois, et l'on repense au petit gâteau d'une des principales scènes de la première partie du film, enjeu d'une double injonction contradictoire. Pour prouver qu'il est à la hauteur technique de Baosen, Ip Man doit parvenir à s'emparer du gâteau dans la main du maître et à le briser ; pour prouver qu'il est à la hauteur de son legs spirituel, il doit en revanche laisser le gâteau intact, ayant été précisé que le gâteau symbolise la Chine. Tout The Grandmaster, en somme, est à l'image de ce petit gâteau et de cet enjeu qui rend impossible une réussite franche. Ce qui, par ailleurs, n'exclue par des moments de grâce, Gong Er et Ip Man n'étant finalement jamais aussi près de l'union des corps et des cœurs que lorsqu'ils s'affrontent.

vendredi 10 mai 2013

In memoriam Ray Harryhausen


Ray Harryhausen – 1920-2013. 
Père des Monstres et Prince de l'Imaginaire.

Parmi la pléthorique collection d'effets visuels et le riche bestiaire fantastique légués par ce maître en la matière, ma mémoire se retourne naturellement vers les quelques films où il put officier en tant que producteur associé et exprimer tout son talent, en particulier ces gemmes que sont les deux voyages de Sinbad, Jason and the Argonauts et le testamentaire Clash of the Titans – films passés grâce à lui directement du domaine des visions en boucle de l'enfance à celui des références cinéphiles, sans jamais cesser de provoquer l'émerveillement.
 
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lundi 6 mai 2013

Vision matinale quasi haïku

Par la fenêtre près du lit, deux oiseaux passent la ligne droite laissée sur l'azur par l'avion.

mercredi 1 mai 2013

De la "valeur travail"


Or voici précisément venir le temps de la grande résignation humaine. Le travail-dieu trouve à son tour des prêtres. La paresse est punie de mort. À l'Orient mystique, on institue le culte des machines. Les madones d'aujourd'hui sont des moto-batteuses. À l'horizon, dans les panaches laborieux des cités ouvrières, le miracle banni s'en va en fumée. Personne ne laissera plus à personne une chance unique de salut. Elle sonne, l'heure du grand contrôle universel. Qu'ils agonisent, ceux qui n'ont pas perdu la mémoire du Paradis, qu'ils agonisent donc ce soir quand les déments feront retentir les asiles de cette vaine clameur qui veut retenir le soleil. Je vois grandir autour de moi des enfants qui me méprisent. Ils connaissent déjà le prix d'une automobile. Ils ne jouent jamais aux voleurs.

Louis Aragon, La Défense de l'Infini.

dimanche 14 avril 2013

Un chant d'amour qui se perd


Il se confirme qu'il va être désormais de plus en plus difficile de parler des films de Terrence Malick, alors même qu'avec To the Wonder il aura peut-être rarement autant suscité d'idées préconçues. Parce que le Texan n'aura jamais été si vite en besogne pour sortir un film après le précédent, parce que, aussi, cela advient à un moment de son parcours où l'on se demande bien ce qu'il peut encore nous réserver question esthétique. Film mineur ? Film de trop ? Avant d'entrer dans la salle j'aurais pu prendre les paris sur le nombre de critiques parlant d'un cinéaste désormais enfermé dans ses tics... Eh bien non. S'il décline des figures désormais familières, c'est toujours au service d'un nouveau projet. À ce titre, To the Wonder est sans doute son film le plus intimiste, et peut-être aussi le plus pessimiste. Tout entier centré sur une poignée de personnages, il ne leur offre pour ainsi dire aucun arrière-plan. Malick, dans un premier temps, ne filme qu'un couple et une enfant ; il les filme presque comme s'il n'existait rien d'autre qu'eux, ou plus exactement comme si le monde aperçu alentour, dans leur proximité immédiate, n'existait que pour eux, dans un jeu de reflets symboliques permanent, communiant dans le même chant d'amour ; Malick l'heideggerien filme leur être-au-monde, avec une sorte de force de naïveté, qui rappelle étonnement le Murnau de Sunrise et de City Girl, exprimé dans une grammaire cinématographique nouvelle. Voilà donc des personnages qui auraient tout pour être heureux, et leur échec ne sera que de leur faute propre, sans fond social pesant ou circonstance historique atténuante, sans non plus de consolation mystique – n'en déplaise à ceux qui se gaussent encore des dinosaures de The Tree of Life, et sont trop contents de trouver dans la présence d'un personnage de prêtre, interprété par Javier Bardem, l'occasion d'aller apposer sur l'œuvre de Malick une étiquette de religieux illuminé et/ou catéchisant sans aller chercher plus loin ; sans prendre garde que ce prêtre en perte de foi, attendant vainement un signe divin, débite ses homélies sur un ton monocorde, vidé de toute passion, n'ayant guère l'air d'y croire, et qu'il semble donc quelque peu périlleux de voir en lui un porte-parole du réalisateur ; sans se demander, au risque d'extrapoler, si, peut-être, même, ce prêtre en débâcle spirituelle ne porte pas quelque responsabilité dans la faillite du couple central, faute, aussi perdu que ses ouailles, d'habiter et de pouvoir donc porter avec conviction un discours salutaire (ainsi une référence à la parabole de la réconciliation avec la femme adultère menée au désert, dans le livre d'Osée, est-elle introduite mais ne sera pas suivie d'effet, ne parviendra jamais à s'incarner dans le film). Quant aux fameux monologues intérieurs malickiens, ils ont pour la première fois des allures de piège, lyrisme nombriliste, moins révélateur que coupé de l'autre, où s'enferment des personnages qu'en contrepoint on voit rarement se parler, et presque jamais dialoguer – sentiment que vient encore accentuer la répartition de ces voix off en trois langues distinctes, français, anglais, espagnol. Ainsi le chant d'amour se perd-il et s'achève dans le délitement, toute harmonie rompue... Et pourtant : c'est bien la sensation de sa force que nous retiendrons malgré tout, l'emportant par-delà la rupture finale.

samedi 2 mars 2013

Haute enfance


Kuranès n'était pas moderne. Il ne pensait pas comme les autres écrivains, qui s'efforcent de dépouiller la vie de ses robes brodées de mythes et de montrer dans toute son horrible nudité cette chose répugnante qui est la réalité. Kuranès, lui, ne se souciait que de beauté. Quand l'expérience et la vérité échouèrent à la révéler, il partit la chercher dans l'illusion, dans l'imagination, et la trouva sur le seuil même de sa maison, parmi les souvenirs nébuleux des contes et des rêves d'enfants.
Peu de gens savent quelles merveilles les attendent dans les histoires et les visions de leur jeunesse. Car enfants, lorsque nous écoutons et rêvons, nos pensées ne sont qu'à moitié formées. Alors qu'une fois devenus adultes, quand nous essayons de nous les rappeler, le poison de la vie nous a rendus pragmatiques et étroits d'esprit. Pourtant, certains d'entre nous se réveillent la nuit avec d'étranges fantasmes de collines et de jardins enchantés, de fontaines chantant au soleil, de falaises dorées surplombant le murmure des vagues, de plaines descendant vers de somnolentes cités de bronze et de pierre, de mystérieux groupes de héros galopant sur de blancs destriers caparaçonnés à l'orée de forêts touffues. Nous savons alors que nous avons regardé de l'autre côté de ces portes d'ivoire donnant sur ce monde de merveilles qui était nôtre avant que nous ne devenions sages et malheureux.

H. P. Lovecraft, Celephaïs (traduction de David Camus).

mardi 26 février 2013

Elle est retrouvée. Quoi ? – L'atrocité.


De l'héritage du Fantômas créé par Souvestre et Allain, du génie du crime dont les exploits passionnèrent des foules de lecteurs, Desnos et les surréalistes en tête, la grande majorité du public français ne connaît plus, hélas, que les pochades avec Louis De Funès. La parodie a éclipsé le modèle. Il est donc hautement réjouissant de voir l'Insaisissable nous revenir dans sa prime cruauté, par le biais d'un triptyque en bande dessinée, La Colère de Fantômas, dont le premier volume, Les Bois de justice, est sorti en ce début d'année. C'est d'autant plus réjouissant que cette résurrection est due à un jeune duo d'auteurs, Olivier Bocquet et Julie Rocheleau, sortis de nulle part, ou quasiment (lui a signé un polar, elle deux titres "jeunesse" au Québec), qui nous proposent là, à n'en pas douter, l'un des albums les plus marquants de 2013. Si le scénario propose une relecture originale du matériau offert par les romans, mêlant, sur un rythme feuilletonnesque étourdissant, épisodes empruntés et invention personnelle, il revient à la dessinatrice de le transfigurer par un traitement graphique aux allures de croisement improbable entre les styles d'Édith et de Mattoti, qui n'hésite pas à emprunter au mélo et au muet certaines postures de ses personnages, au fauvisme ses couleurs, à Lautrec ou aux expressionnistes. Le résultat, saisissant, est une réussite assez exemplaire qui vient redonner de leur puissance mythique aux horribles exploits du Maître de l'Effroi, qui fit ses premiers pas il y a cent et un ans ce mois-ci, annoncé, en guise d'incipit, par ce dialogue d'anthologie :

      " Fantômas ! 

      – Vous dites ?
      – Je dis... Fantômas.
      – Cela signifie quoi ? 
      – Rien... et tout !
      – Pourtant, qu'est-ce que c'est ?
      – Personne... mais cependant quelqu'un !
      – Enfin, que fait-il ce quelqu'un ?
      – Il fait peur !!! "

jeudi 31 janvier 2013

La Porte ! #13 : Walerian Borowczyk


Image cliquable dans la plus pure tradition des amateurs de curiosités, par les plus adultes de nos visiteurs, auxquels nous demandons toutefois d'être bien conscients que leur déplorable penchant au vice appelle la plus ferme des condamnations. Tout à fait.

mercredi 16 janvier 2013

2013 commence mal...

 
Ôshima Nagisa – 1932-2013.
 
Quinze jours, quinze jours que l'on a tourné la page de 2012, sans trop oser repenser à tous ceux que l'année écoulée, à défaut d'apocalypse maya, a laissé sur le carreau ; plus, bien plus qu'on a pu en saluer ici sans crainte de transformer ce blog en carnet noir quasiment permanent ; quinze jours, et voilà que tombe l'annonce de la disparation d'Ôshima... On reparle de lui, et surtout de ses films, aussi vite que possible.

dimanche 13 janvier 2013

Dans le miroir


Réflexions faites, quel meilleur moyen de commencer l'année qu'avec le dernier questionnaire pointu et tordu, donc indispensable, de Ludovic Maubreuil sur Cinématique ?

1. Avez-vous déjà accroché chez vous une affiche de film ? Non. J'avais pourtant un jour acheté, sur un coup de tête, l'affiche de Kill Bill vol.2 représentant Uma Thurman en robe de mariée à katana, avec une vague idée, que je jugeais pour tout dire assez amusante, quant à l'endroit où la placer chez moi (ou dans un futur chez-moi) ; idée qui fit long feu. L'affiche est toujours roulée quelque part au fond d'un placard.

2. Quelle affiche, placardée à l'intérieur d'un film, préférez-vous ? Celle de Gilda dans la salle de bain de la tante Ruth, dans Mulholland drive, qui transforme Camilla en Rita. Tout un programme, quand on y songe...

3. Avez-vous une salle de cinéma régulière ? Plusieurs, ce qui revient plus ou moins à répondre par la négative.

4. Quelle salle de cinéma, présente dans un film, préférez-vous ? Celle dans laquelle Louis, dans Interview with the Vampire, redécouvre le soleil après un siècle et demi d'errance nocturne, par l'intermédiaire de Sunrise de Murnau. Bel effet de renversement qui fait de l'écran non pas une fenêtre ouverte de notre réalité vers un irréel, mais de l'irréel vers nous.

5. Avez-vous un souvenir marquant dans une salle de cinéma, n’ayant pas de rapport avec le film projeté ? L'équation est assez rare... Le seul souvenir qui pourrait peut-être y satisfaire serait celui de ma première, et, à ce jour, toujours unique, excursion dans ce temple de la cinéphilie parisienne qu'est l'Action Christine. Le seul fait d'être dans cette salle était apparemment plus marquant que le film proprement dit, dont je n'ai que peu de souvenirs, et pas des plus enthousiastes. Je revois encore la salle, mais il m'a fallu me creuser les méninges et faire appel à Google pour me rappeler que le film était How to Murder Your Wife, de Richard Quine.


6. Avez-vous déjà assisté à un tournage ? Je garde le souvenir de l'effet produit par les lumières d'éclairage du tournage, par un soir humide et sombre sur le Vieux Port à Marseille, de MR 73 d'Olivier Marchal ; beau souvenir dont on pourrait dire que je n'ai jamais voulu l'entacher par la vision du film lui-même, que je soupçonne d'être assez nul. 

7. Qu’avez-vous filmé dont vous soyez le plus satisfait ? Le peu que j'aie pu filmer, avec quelque méthode ou appareil que ce soit, m'a rarement donné grande satisfaction. 

8. Avez-vous une anecdote véridique à nous conter, vous mettant en scène avec une personnalité du cinéma ? Au printemps 2007, j'ai visité presque la moitié de l'exposition David Lynch qui se tenait à la Fondation Cartier pour l'art contemporain, à Paris, au même rythme (tout à fait involontairement) qu'une certaine actrice française assez connue... Malheureusement, chaque fois que j'essaie de me souvenir plus précisément de cet épisode, je butte sur l'identité de l'actrice en question et j'hésite entre plusieurs noms.

9. Quelle personnalité du cinéma aimeriez-vous rencontrer pour nourrir une telle anecdote ? Je préfère m'en remettre au hasard, si une telle rencontre doit avoir lieu...

10. Quel est le personnage cinématographique le plus proche de ce que vous êtes, ou de ce que vous avez été ? De façon générale, les personnages qui se jettent ou se réfugient dans le monde de la fiction et les champs de l'imaginaire, et ne peuvent en revenir sans déchirement, voire risque de mort. Les premiers noms qui me viennent en tête sont l'Ariane de Wilder, le Peter Ibbetson de Hathaway, le baron de Munchausen version Gilliam, Diane/Betty dans Mulholland drive (encore)... L'anti-modèle, ce serait l'Alice de Tim Burton qui laisse derrière elle le Pays des Merveilles pour devenir chef d'entreprise !

11. Avez-vous une quelconque ressemblance physique avec une actrice ou un acteur ? Aucune que je sache. 

12. Apparaissez-vous réellement dans un film ? Non, hors celui tourné avec trois amis de lycée, il y a maintenant assez longtemps, et heureusement personne ne le verra (ou, pour les principaux concernés, ne le reverra) jamais.


13. Quel regard-caméra vous a le plus touché ? Ceux du Christ, à la fois doux et révolutionnaire, incarné par Enrique Irazoqui, annonçant l'évangile devant la caméra de Pasolini. 

14. Quelle séquence en caméra subjective vous a le plus marqué ? Je serais incapable de dire avec certitude s'il y a vraiment ne serait-ce qu'un plan véritablement en caméra subjective dedans, et réponds donc peut-être à côté, mais je ne peux m'empêcher de repenser à l'agonie de Frank White dans The King of New York d'Abel Ferrara, qui par la mise en scène visuelle et sonore nous fait partager la marche au supplice du mafieux à travers les rues de "la ville qui ne dort jamais"... 

15. Existe-t-il un remake que vous appréciez ? Une grande partie, si ce n'est la majorité, des films de Tsui Hark sont des remakes, mais, à choisir, je retiendrai L'Auberge du dragon (San lung moon haak chan / Dragon Inn), d'après King Hu, parce qu'il allie respect du modèle et excellentes innovations.  

16. Un que vous détestez ? Tous ceux que, par principe, je n'ai pas vus. Ça en fait un certain nombre.

17. Quelle est votre image ou séquence favorite parmi celles faisant allusion, au sein d’un film, à un autre film ? Pas de souvenir exceptionnellement marquant en la matière – mais ça me reviendra peut-être...

18. Citez votre scène préférée parmi celles utilisant un miroir. Tout Exotica d'Atom Egoyan, grand film de miroirs sans tain (et de perroquets). S'il faut vraiment se limiter à une scène, alors la scène "d'amour" du couple Alice/Bill dans Eyes Wide Shut : chacun ne regardant en fait que son propre reflet.

19. Avez-vous le souvenir d'une apparition involontaire de l'équipe de tournage à l'image ? C'est en général le genre de détail auquel je ne prête jamais attention, et qui m'échappe la plupart du temps. Une exception pourtant, l'ombre de l'hélicoptère suivant la voiture de la famille Torrance au début de Shining : je ne pouvais croire que ce perfectionniste de Kubrick ait pu laisser passer ça involontairement – ce qui engendra moult réflexions pour tenter d'y trouver une signification...


20. Quelle est votre préférence parmi les actrices/acteurs ayant joué plusieurs rôles dans le même film ? Parmi les acteurs, Peter Sellers dans Dr. Strangelove de Kubrick. Parmi les actrices, Deborah Kerr dans The Life and Death of Colonel Blimp de Powell et Pressburger.

21. Quel est pour vous le meilleur interprète d’un personnage traité à plusieurs reprises dans l'histoire du cinéma ? Le choix est trop vaste !

22. Parmi les cinéastes ayant fait l’acteur chez les autres, qui mérite d'être retenu ? / 23. Quelle apparition d’un réalisateur dans son propre film vous semble la plus mémorable ? Réponse groupée : disons Buster Keaton et Charlie Chaplin dans Limelight de Chaplin.

24. Quel est à vos yeux le plus grand film sur le cinéma ? The Bad and the Beautiful de Vincente Minnelli. Parce que le cinéma y est une industrie produite par des salauds, secrétant pourtant un art dont on ne se lasse jamais.