mardi 27 décembre 2011

Contamination rétrospective


Que regarde-t-on dans les photographies que le jeune Stanley Kubrick réalisa pour le magazine Look dans les années 40, et dont, pour la première fois, des tirages sont mis en vente depuis quelques semaines ? Entre autres choses, on scrute, on interroge l'art du cadrage, on y cherche les prémices de la manière cinématographique future, en même temps qu'on ne peut s'empêcher de se demander ce qui se serait passé si Kubrick avait décidé de s'en tenir à cette forme d'expression : son nom occuperait-il aujourd'hui dans le panthéon du huitième art la même place qu'il tient pour nous dans le septième ?... Mais le plus troublant reste sans doute l'invitation inconsciente à construire des ponts avec les films à venir, réalisés ensuite, mais de nous connus les premiers. Étrange contorsion mentale qui fait apparaître, derrière les images de femmes déambulant dans les rues de New York en 1946, le souvenir des déambulations des personnages d'Eyes Wide Shut, un demi-siècle plus tard. La photo d'une petite fille dans un magasin de poupées n'est d'ailleurs pas sans renvoyer, elle aussi, à la scène finale du même film. Et puis, il y a cet étrange laborantin de Columbia University, au visage de sphinx derrière ses lunettes noires : personnage bien innocent sans doute, mais dans lequel il est difficile de ne pas voir soudain apparaître une sorte de jeune Dr. Strangelove en puissance.

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