Si nous ne pouvons la faire pratiquer je m’arrangerai de manière que la chambre du fond sera inconnue, barricadée, impénétrable pour les étrangers. Je serai censée n'avoir que deux pièces, la troisième sera la chambre noire, la chambre mystérieuse, la cachette du revenant, la loge du monstre, la cage de l'animal savant, la niche du trésor, la caverne du vampire, que sais-je ? nous verrons. (George Sand, Correspondance, N°388, p.882.)
mercredi 2 septembre 2015
Quelle crue est passée par là ?
vendredi 12 juin 2015
D'entre les tombes, à nouveau
Sir Christopher Lee – 1922-2015.
De Dracula à Saroumane, en passant par Kurt Menliff, lord Summerlisle ou Scaramanga : c'est un maître jamais égalé d'élégance tout à la fois effrayante et fascinante – une certaine idée de l'aristocratie, peut-être – qui rejoint aujourd'hui le tombeau dont le cinéma n'aimait rien tant que le faire sortir.
samedi 14 février 2015
Élévation
La révolution comme l'acte religieux a besoin d'amour. La poésie est un véhicule intérieur de l'amour. Nous devons donc, poètes, produire cette "sueur de sang" qu'est l'élévation à des substances si profondes, ou si élevées, qui dérivent de la pauvre, de la belle puissance érotique humaine.
Pierre Jean Jouve, avant-propos à Sueur de Sang.
mardi 10 février 2015
Pesanteurs
Voilà un film qui entend chanter la chaleur et la communauté des sentiments humains, et dont ne se dégage aucune émotion ; un film militant à l'engagement si gauchement affiché (sans jeu de mot) qu'il en devient contre-productif ; un film inspiré d'évènements historiques auxquels il parviendrait presque à ne pas nous faire croire. Les lourdeurs rhétoriques démonstratives sont depuis longtemps une menace récurrente sur le cinéma de Ken Loach, mais Jimmy's Hall, son dernier opus en date, offre un exemple achevé de ratage tant toute vie, ou peu s'en faut, s'y éteint enterrée sous le poids du propos didactique. La raison fondamentale : l'œuvre est totalement dépourvue de personnages. Au mieux, ce sont des types ; le plus souvent, ce sont des thèses et des antithèses ambulantes, mal dissimulées sous des masques dépourvus d'intériorité, de chair, d'histoire, au demeurant interchangeables, qui ne sont là que pour débiter leur ligne théorique sur ce qu'il faut faire ou ne pas faire, penser ou ne pas penser. À côté de ça, quelques belles images (d'un classicisme efficace) de la campagne irlandaise, et de finalement trop rares plans de fête populaire sur fond de jazz ou de musique traditionnelle (quand un montage alterné, pour le moins peu subtil, avec le sermon de l'église locale ne vient pas ruiner la chose), ne suffisent hélas pas à sauver le tout.
mercredi 4 février 2015
Petite corruption
A Most Violent Year a de faux airs de Godfather en réduction. Ceci soit dit sans que cela soit une critique négative, ni de l'un, ni de l'autre. Moins ambitieux dans sa forme, évidemment, il propose également à son personnage principal un renversement moins éclatant – moins complet, en apparence – que celui de Michael Corleone dans le film de Coppola, qui passait de l'étudiant fermement décidé à se tenir à l'écart de toute illégalité au rôle de nouveau "parrain" de sa famille mafieuse. Le parcours d'Abel Morales est plus subtil, au point qu'il a pu échapper à certains spectateurs (voire à certains critiques), et, ce qui est plus intéressant, qu'il échappe, selon toute apparence, au personnage lui-même. Sur fond de deuxième choc pétrolier, et de prémices du déchaînement du néolibéralisme, le film de J.C. Chandor n'est autre que la chronique feutrée d'une corruption, qui voit un tenant exemplaire de toutes les valeurs et les vertus de l'American Way of Life en venir à se renier totalement – à accepter sans plus ciller le recours à la violence comme à la magouille, qu'elle soit financière ou politique, ou le sacrifice d'un employé encombrant – tout en restant persuadé d'arpenter "the path that is most right", le chemin "le plus droit possible" vers le succès. Et en continuant, également, à délivrer des leçons de morale à ce propos, et à se donner en modèle. Est-il besoin de préciser qu'on n'est toujours pas sorti de ce monde-là ?
samedi 31 janvier 2015
Aux étoiles
– Les étoiles ? demanda-t-il. Savez-vous qu'elles m'effraient ? Ce que j'ai appris d'elles est une façon de m'en libérer, d'oublier l'infini, la nuit éternelle dans laquelle nous flottons d'une manière absurde, et pour tout vous dire, vous m'effrayez aussi... On doit vivre avec ces étoiles, faire comme si elles n'étaient pas l'essentiel, nous réfugier dans les médiocres activités terrestres, des choses à notre portée quand, ailleurs, dans ces nuits si insupportables aux vivants que la nature a dû inventer le sommeil, résonne je ne sais quel mécanisme qui finira par nous broyer.
Robert Alexis, L'Homme qui s'aime.
mercredi 28 janvier 2015
Éloge du jusqu'au-boutisme
Le chemin vers l'Art comme ascèse de moine-soldat, passant par le sang, la sueur et les larmes : sur le principe, Whiplash a comme un air de Black Swan, me direz-vous. De fait, le film de Damien Chazelle sonne, pour ainsi dire, à mes oreilles, comme une réponse (version jazz) aux critiques que je portais, à l'aube de ce blog, au film surcoté d'Aronofsky sur son incapacité à s'engager totalement dans une voie ou une autre. Quitte à prendre le risque d'en faire trop, de frôler l'outrance et peut-être même le ridicule (la scène de l'accident de voiture laisse un peu ébahi) ; délivrant, du reste, un film parfaitement amoral (la morale n'étant pas une catégorie esthétique), en donnant raison dans ses derniers instants au haïssable personnage du mentor tyrannique ; Chazelle tient jusqu'au bout son propos, sans dévier ni faiblir, et avec succès, jusqu'à son grand final musical dont on ressort tout à la fois épuisé et enthousiasmé.
mercredi 21 janvier 2015
Top ciné 2014
1. Kaguya-hime no monogatari – Takahata Isao
Une grand fresque intimiste, une ode poétique à la simplicité des sentiments et de la nature face aux scléroses d'un cadre social, une démonstration de maestria graphique navigant entre les styles selon les besoins du moment, le tout sans jamais perdre de vue l'unité du projet, ni l'émotion qui s'en dégage même dans ses moments les plus "retenus". On était sans nouvelles de Takahata depuis plus de dix ans et voilà qu'il revient tirer sa révérence sur un chef-d'œuvre, tout simplement.
2. The Grand Budapest Hotel – Wes Anderson
Moonrise Kingdom aurait fini premier d'un tel classement il y a deux ans : inutile de (se) le cacher, je suis fan de l'Anderson des années 2010. Et si l'actualité a repoussé la publication mais non chamboulé l'ordre de ce classement, ce petit essai d'élégance déplacée et de cinétique burlesque par temps sombres est encore moins pour nous déplaire dans le contexte immédiat...
3. Gone Girl – David Fincher
Grinçante comédie du remariage et satire sociale sanglante (au propre comme au figuré) camouflés sous les atours d'un thriller hitchcockien, Gone Girl allie, pour le dire vite, le mordant du Fincher des années 90 à l'élégance plus classique de la mise en scène peaufinée au cours des années 2000. Délectable.
4. Her – Spike Jonze
Ultra-moderne solitude contre relations virtuelles évanescentes, place croissante de certaines technologies dans nos quotidiens et prolifération des mondes possibles, en soutien ou en dépit du réel : et si le grand film de science-fiction de 2014 ne nous entraînait pas vers les étoiles, mais au plus près du présent ?
5. ex aequo
Byzantium – Neil Jordan [sortie directe en DVD]
/ Only Lovers Left Alive – Jim Jarmusch
Byzantium – Neil Jordan [sortie directe en DVD]
/ Only Lovers Left Alive – Jim Jarmusch
L'un peut-être un peu trop naïf, l'autre peut-être un peu trop poseur, mais surtout pareillement traversés par la grâce, deux films de vampires opposés sur la forme (sentimentalité à fleur de peau contre décadentisme ironique) qui n'en avancent pas moins sous la même bannière : le romantisme est non-mort.
dimanche 11 janvier 2015
Au-delà du carré noir...
Se non si grida evviva la libertà umilmente
Non si grida evviva la libertà.
Se non si grida evviva la libertà ridendo
Non si grida evviva la libertà.
Se non si grida evviva la libertà con amore
Non si grida evviva la libertà.
Si on ne crie pas Vive la liberté avec humilité
On ne crie pas Vive la liberté.
Si on ne crie pas Vive la liberté en riant
On ne crie pas Vive la liberté.
Si on ne crie pas Vive la liberté avec amour
On ne crie pas Vive la liberté.
Pier Paolo Pasolini, La Rabbia.
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