vendredi 27 juillet 2012

Le Questionnaire de... Robbe-Grillet

Voici, trouvée dans une édition originale de La Maison de rendez-vous d'Alain Robbe-Grillet, une carte-questionnaire que les lecteurs d'alors étaient invités à renvoyer remplie aux Éditions de Minuit. J'avoue que j'ignorais que les services de Jérôme Lindon pouvaient faire preuve d'autant d'humour...


jeudi 26 juillet 2012

Le vieux colosse

Quatre-vingt-deux ans. Crinière et barbe blanches. Le dos courbé, le pas chancelant, un peu boiteux. Mais qu'il embouche son saxophone, c'est la métamorphose. Le corps qu'on aurait dit souffrant quelques instants plus tôt, se redresse, danse même autour de l'instrument. La nuit tombe, et elle a, non pas un, mais sept milliers d'yeux, de tous âges ; les arbres deviennent ombres, sous la lune rousse, la scène s'éclaire progressivement et en son centre, parmi ses musiciens, Sonny Rollins resplendit. Justifiant le terme de "légende vivante", bien au-dessus des contingences du corps. Ses poumons contiennent l'univers. C'était hier soir, sur les pelouses du Palais Longchamp à Marseille, en clôture du Festival des Cinq Continents ; c'était beaucoup plus loin, plus haut que ça, à l'impression reçue.

vendredi 20 juillet 2012

Argento fantasmagore


Faut-il dire qu'Inferno est probablement le chef-d'œuvre de Dario Argento ? Sans adhérer à un certain discours dominant qui n'accepte de reconnaître des qualités aux films les plus anciens du maître de l'angoisse transalpine, que pour mieux prétendre qu'il n'aurait plus rien fait de valable depuis trente ans, il faut reconnaître que celui-ci reste un sommet. Moins connu que son prédécesseur direct Suspiria, Inferno pourtant non seulement en reprend et en approfondit les motifs, mais en sublime les qualités comme les défaillances. C'est que ce qui rattache encore Suspiria à une intrigue de giallo classique va avec son lot de limites qu'il est difficile de ne pas percevoir, quand sa suite rompt totalement les amarres et impose en conséquence un tout autre mode de réception. Il n'y a plus de faiblesses dans l'intrigue, ou bien dans la psychologie des personnages, puisque celles-ci sont purement et simplement inexistantes, absentes : elles font défaut, en somme, mais on ne saurait plus pointer, par rapport à elles, des défauts. La Raison mise en sommeil engendre un monstre magnifique, mélange de danse macabre visionnaire et d'héritage, poussé à l'abstrait, de l'ancien imaginaire "gothique". Une trappe donne sur un appartement entièrement inondé, un couloir de bibliothèque publique mène directement à l'antre d'un alchimiste, le vent traverse un cours de musique et les rats envahissent Central Park, sans autre justification apparente qu'un illogisme qui est celui du rêve et des voies qu'il ouvre vers certaines profondeurs.


... Et Argento d'étrangement sembler renouer avec les plus lointaines racines du cinéma, celles des "fantasmagories" de Robertson et de ses imitateurs, qui déchaînaient les spectres sur les spectateurs des temps révolutionnaire et romantique.

samedi 7 juillet 2012

Au bord des infinis

 
Je suis l'être incliné qui jette ce qu'il pense ;
Qui demande à la nuit le secret du silence ;
          Dont la brume emplit l'œil ;
Dans une ombre sans fond mes paroles descendent
Et les choses sur qui tombent mes strophes rendent
          Le son creux du cercueil.

Mon esprit, qui du doute a senti la piqûre, 
Habite, âpre songeur, la rêverie obscure
          Aux flots plombés et bleus,
Lac hideux où l'horreur tord ses bras, pâle nymphe,
Et qui fait boire une eau morte comme la lymphe
          Aux rochers scrofuleux.

Le Doute, fils bâtard de l'aïeule Sagesse,
Crie : À quoi bon ? devant l'éternelle largesse,
          Nous fait tout oublier,
S'offre à nous, morne oubli, dans nos marches sans nombre,
Nous dit : – Es-tu las ? Viens ! – Et l'homme dort à l'ombre
          De ce mancenillier.

L'effet pleure et sans cesse interroge la cause.
La création semble attendre quelque chose.
          L'homme à l'homme est obscur.
Où donc commence l'âme ? où donc finit la vie ?
Nous voudrions, c'est là notre incurable envie,
          Voir par-dessus le mur.

Nous rampons, oiseaux pris sous le filet de l'être ;
Libres et prisonniers, l'immuable pénètre
          Toutes nos volontés ;
Captifs sous le réseau des choses nécessaires
Nous sentons se lier des fils à nos misères
          Dans les immensités. 


Victor Hugo, Les Contemplations, "Pleurs dans la nuit", I.