jeudi 28 avril 2011

La Porte ! #1 : Jean-Claude Brisseau

Alors que de rêveries il faudrait analyser sous cette simple mention :
la Porte ! La porte, c'est tout un cosmos de l'Entr'ouvert.
 Gaston Bachelard, La Poétique de l'espace



mercredi 27 avril 2011

Le juge et la merveille


Entre autres vertus, Detective Dee a celle, particulièrement inattendue (tant il est vrai qu'on n'aurait a priori pas parié sur un quelconque rapprochement entre les deux films), d'offrir une sorte de réponse au Black Swan d'Aronofsky, et au problème pointé dans l'un des premiers billets de ce blog. Tsui Hark fait ici le choix de plonger les spectateurs dans un univers où il apparaît très vite que le fabuleux a sa part ; mais et c'est là l'une des forces du film l'hésitation n'en demeure pas moins face aux évènements auxquels se retrouve confronté le juge Ti. Qu'il existe des dieux, des démons, de la magie, n'occulte en rien le fait qu'il existe, aussi, à côté de cela, de l'artifice, des complots et des tours de passe-passe. Ventriloques et marionnettistes côtoient toujours le surnaturel, moins d'ailleurs comme une alternative que dans une indémêlable intrication, dans un brouillage perpétuel dont nous ne sortirons jamais tout-à-fait.

mercredi 20 avril 2011

Inanité superbe

Il vécut dans la pourpre des sons, chaque nuit.


Récit mal-aimé de son auteur, et l'un de ses moins connus, L'Empereur d'Occident (publié pour la première fois en 1989) nous transporte dans les replis d'un Ve siècle immémoré. Si son titre semble faire contraste avec le programme des Vies minuscules à l'écriture desquelles il succéda directement, c'est bien encore l'un de ces ignorés qu'il affectionne que Pierre Michon transfigure par l'écriture jusqu'à nous en offrir un portrait inoubliable. Derrière le vieux levantin à la main mutilée, passant ses journées face à la mer, cillant un peu, de ses yeux myopes, "pour retenir l'image d'une voile fuyante, emportée de-ci, de-là, sans recours s'amenuisant, vers l'île Stromboli, ou le blanc révélé du ventre des mouettes quand face au soleil elles virent de bord, se cabrent avec lenteur, s'offrent sans fin", se dessinent peu à peu les éléments d'un parcours à la fois dérisoire et éminent. À la lueur des thèmes qui obsèdent toute son œuvre (l'art, le père, les morts, le sacré...), Michon, tel "Ulysse dialoguant avec les grands cadavres bavards", invoque et visite ceux qui firent l'Histoire, et que l'Histoire recouvrit de ténèbres, dont les noms ne sont plus guère connus que de quelques doctes spécialistes. Des vies authentiques des deux hommes qu'il fait se rencontrer sur un banc de pierre des îles Lipari et se découvrir presque frères, d'autres eussent tiré des volumes ; lui brosse sa fresque en quelques dizaines de pages, du sac de Rome à l'orée des Champs catalauniques, dans une prose tour à tour rude et somptueuse, sensuelle et mélancolique, jamais académique. Mais c'est longtemps, une fois encore, que nous hantera son chant, chant d'aède revêtu de pourpre empruntée pour des rois engloutis.

lundi 11 avril 2011

Un roman en un paragraphe

Le ministre Petiet a reçu un courrier extraordinaire de Paris qui lui a annoncé que Paul Ier a été trouvé mort dans son lit le 20 mars. On prévoit que cette mort entraînera de grands changements. Je viens du bal de chez Angélique. Gibory a dit à Ferdinand qu'il avait chassé Mme Martin. Je crois y avoir vu monter cette dernière en descendant.

Stendhal, Journal, 29 germinal 1801.



Au loin, le tumulte du monde et de la politique, l'assassinat d'un tsar, des nouvelles de Paris. Tout cela qui s'efface devant l'ici et maintenant d'un bal milanais et l'élégante géométrie d'un regard furtif porté par un homme qui descend des marches à une femme qui les monte et le croise. Porteuse de toute une histoire que nous ne saurons pas.

jeudi 7 avril 2011

Du bon usage de l'indécision

You could be brilliant, but you're a coward. Thomas (Vincent Cassel)


Eût égard à l'importance que le thème revêt dans Black Swan, quitter finalement la salle de projection avec un sentiment de frustration n'est pas sans une certaine cohérence – cette cohérence qui est peut-être bien, justement, ce qui manque le plus à la dernière réalisation de Darren Aronofsky. Celle-ci n'est pas, tant s'en faut, dénuée de qualités. Mais de ce film loué un peu partout comme synthèse originale et réussie entre le documentaire et le thriller, il ressort pourtant que sa principale faiblesse est l'incapacité de son maître d'œuvre à choisir clairement une voie. De quelle pesante application Aronofosky ne fait-il pas preuve pour maintenir son hésitation fantastique ! À vouloir à tout prix perpétuer des ambiguïtés qu'il échoue à ne pas faire apparaître (c'est là le drame) des plus plaquées et artificielles, le réalisateur leur ôte rapidement toute efficacité. Aussi les meilleures scènes sont-elles celles où Aronofosky semble assumer, ne fût-ce qu'un temps, de s'engager pour de bon dans ce qu'il nous montre. C'est lorsqu'enfin le Cygne noir prend le dessus et que Nina se métamorphose véritablement sur la scène, brandissant ses plumes sur la musique de Tchaïkovski, que le film lui aussi semble enfin, à son tour, déployer ses ailes. De même, auparavant, pour la sauvage scène saphique entre Nina et Lilly, qui a le mérite d'y aller franchement, après toute une partie prétendant instaurer un climat d'érotisme plus ou moins latent, si pataudement surligné là encore que ne s'en dégage aucun trouble. Tout cela malheureusement n'a qu'un temps, et le réalisateur ne tarde pas à revenir à ses jeux d'atermoiements imposés et de revirements attendus. Sans amante dans son lit, sans cadavre dans son placard, Nina est à l'image de tout le métrage, qui malmène ses spectateurs une heure et demi durant pour un résultat finalement assez vain, leur refusant, et la jouissance authentique du conte, et la morale finale du réalisme. Paradoxe d'un film qui n'est jamais si démonstratif que lorsqu'il prétend rester dans l'indécis. 

mercredi 6 avril 2011

Entrée : Ordre de passage


Si c'est en passant le pont que nous faisons venir les fantômes à notre rencontre, c'est en passant par une horloge que nous allons, nous, à la rencontre des morts.

Peut-être une horloge placée sur un pont serait-elle une solution à nos fantasmes, sinon à nos fantômes.

(Mais allez donc expliquer ça à l'âge des horloges électroniques et digitales...)