samedi 22 octobre 2011

Plénitude, presque


Il y a de tout dans les Souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello, dans une synthèse audacieuse et (au moins très majoritairement) réussie, peut-être parce qu'elle ne semble pas s'embarrasser du paradoxe dans les effets de juxtaposition qui découlent de cette proposition. Du réalisme et de l'onirisme, du fantasme et de l'artifice, de la tendresse et de la cruauté, de la trivialité et du symbolisme, des tics et du mythe, des réminiscences cinématographiques et l'arpentage de nouveaux territoires, du dispositif et de l'émotion... De tout, sauf de l'espoir. L'Apollonide, ou l'antithèse de la Boîte de Pandore.

mardi 11 octobre 2011

Entre deux feux


Elle allait devant elle avec une vivacité libre et légère, et, à cette marche qui n'a encore rien porté de la vie, on devinait une jeune fille. Elle avait cette grâce fugitive de l'allure qui marque la plus délicate des transitions, l'adolescence, les deux crépuscules mêlés, le commencement d'une femme dans la fin d'un enfant. 

Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer.

dimanche 9 octobre 2011

Réel maudit


Quelle est la nature de la malédiction qui pèse sur Siegfried selon Fritz Lang ? On pourra trouver l'anathème jeté par Alberich mourant à qui lui dérobe son trésor d'assez peu de poids, quelque peu prosaïque du moins comparé aux circonvolutions cosmiques des opéras de Wagner. J'incline à penser toutefois que quelque chose de plus vaste se joue à ce moment. L'erreur de Siegfried, c'est d'être allé au royaume des Nibelungen pour en revenir ensuite. C'est d'avoir pénétré ce brumeux pays des merveilles, ce territoire des rêves et de la magie – dont la représentation inspire à Lang peut-être la plus belle séquence du film, l'une des plus belles séquences de tous son diptyque , pour en retirer quelque chose et pour s'en retirer soi-même, pour retourner vers le monde des hommes, la mesquinerie de ses passions, de ses complots, de ses serments truqués, trahis ou biaisés. Siegfried mourra auprès d'une source, comme en bordure de l'autre monde, le rappelant à lui, invisible de l'autre côté du rideau de l'eau. Chez Lang la malédiction semble moins s'attacher matériellement au trésor qu'être ce qui caractérise la présence de l'extraordinaire, du fabuleux, au sein de la médiocrité du réel. Au début du second volet du diptyque, Hagen peut bien tout balancer au fond du fleuve, nulle fille du Rhin ne rôde pour récupérer l'or. La malédiction, c'est Kriemhild la morte-vivante, transfigurée, de bécasse évaporée et transparente, en déesse de la vengeance, hiératique et hallucinée au milieu des carnages.