samedi 23 juin 2012

Transport en commun


Si déjà il est rare de voir réunis par hasard côte à côte dans un TGV deux lecteurs du même récent auteur à la mode aux ventes mirobolantes – ce qui pourtant devrait, ne serait-ce que par la force des mathématiques, arriver assez couramment –, combien encore plus improbable, pensa-t-il, était sa cohabitation fortuite avec cette jeune femme, tous deux ayant emporté comme lecture de voyage un roman du même auteur romantique du XIXe siècle ? Mais cette conjonction avait des apparences de signe du destin si étonnantes, qu'elle le laissa gauche et presque comme paralysé. Passé quelques brefs commentaires de part et d'autre, faits sur un ton d'amusement gêné, sur cette analogie de goût remarquée par tous deux, ils s'enfoncèrent chacun, résolument, dans son livre, et les passions qui y régnaient, sans plus oser échanger un mot jusqu'au terminus du train. Ils quittèrent leurs sièges sans même proférer une de ces plates et creuses formules de politesse, par lesquelles on prend congé des inconnus avec qui on a partagé ces quelques heures sur les rails, et disparurent l'un à l'autre dans la chaleur de la nuit estivale.   

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