mardi 28 juin 2011

Miniatures


Qu'elle est petite, ma vie :
temps, silence et un peu
d'amour : une aquarelle
aux tonalités éteintes.

Tout est écrit en minuscules, 
péchés et miracles.
Rien de ronflant pour
orner mon épitaphe.

Anonymes et en prose
se consument mes années.
Qu'elle est petite ma vie.

...Et comme elle me fait mal...
6-IX-84

Miguel d'Ors, Curso superior de ignorancia (traduction par Claude de Frayssinet). Terrence Malick, The Tree of Life.

lundi 27 juin 2011

L'image sans issue


On n'échappe pas à l'image, telle pourrait être l'une des leçons de Road to Nowhere. De quelque côté de quelque caméra que ce soit, elle domine tout et toujours, en reine carnassière affamée de ses propres enfants. Un récit se construit, se déconstruit, laisse des portes de sortie ; une image est un piège sans rémission. De l'écran d'ordinateur initial à la photo punaisée finale, Monte Hellman construit son film, de ce point de vue, avec toute la rigueur d'une tragédie, et tous les jeux labyrinthiques entre départ et arrivée (non pas entrée et sortie) n'y font rien le résultat restera clos parfaitement, cadenassé. – En quoi, d'ailleurs, il se distingue nettement d'un Lynch, auquel il est sans cesse comparé (dont acte, oui, oui...) ; on y reviendra.

lundi 20 juin 2011

On n'arrête pas

Je me souviens, il y a six ou sept ans de cela, avoir assisté dans la même salle à une projection de Nouvelle Vague réalisée à partir d'une VHS usée jusqu'à la moelle magnétique : sur le grand écran, le résultat dépassait le simple flou pour confiner à l'abstraction – ce qui, à vrai dire, ne fit rien pour améliorer mes sentiments vis-à-vis de Godard et de son œuvre. À présent le programme annonce fièrement "support Blu-Ray" à côté de certains titres, mais la projection est alors régulièrement ponctuée de brefs instants, fugaces mais immanquables, où l'image, comme sous le poids d'une technologie trop lourde ici, se fige pour quelques fractions de seconde, induisant d'étranges effets sur le rythme du film. Le progrès a ses cruautés.

vendredi 17 juin 2011

La double vie de la marquise


Enjeu de La Marquise d'O... de Kleist : définir l'homme, rien que l'homme, à la bonne distance de l'ange et du démon avec lesquels on veut parfois le confondre. Enjeu de La Marquise d'O... de Rohmer : définir le corps, sa place et son importance, à la bonne distance de l'académisme et de l'outrance, entre la tentation de sa négation par le statisme pictural comme par la préséance de la parole, et l'éternel retour de son affirmation.

samedi 11 juin 2011

Echappées


Introduite à la cour comme un double de la défunte Wu-Hui, la future Yang Kwei-Fei est vouée à la mort. Pourtant le portrait de l'une et la statue de l'autre ne font pas qu'attester cette circularité. C'est après avoir regardé le portrait de la disparue que l'empereur aperçoit pour la première fois la jeune femme à qui il n'avait pas adressé un regard sous les pruniers du monastère ; c'est d'auprès de la statue que les deux âmes-sœurs, libérées des vicissitudes du monde, s'envolent finalement en riant vers l'éternité. Devant la caméra de Mizoguchi, l'art n'est pas que stèle du deuil, il offre aussi, dans le même temps, la possibilité d'une relance vers la vie.

mercredi 8 juin 2011

Éloge de Tsui Hark


Dans l'une des premières scènes de The Blade (Dao, 1995), Siu Ling, la narratrice, évoque un souvenir d'enfance : celui de son émerveillement face aux lumières chatoyantes émanant de l'atelier paternel. Aux plans qui nous montrent la jeune fille jouant avec ces lueurs, succède la brutale révélation de leur origine : reflets des lames de l'armurerie. Il n'est pas interdit d'y voir une clé pour une bonne part du cinéma de Tsui Hark. The Blade, l'un de ses films les plus sombres et violents, n'en est pas moins une œuvre esthétiquement somptueuse, menaçant en permanence d'asphyxier le spectateur sous une avalanche de beauté (barbare), de mouvements et de couleurs. À l'autre bout du spectre, en quelque sorte (et presque contemporain pourtant), The Lovers (Leung juk, 1994), peut-être son film le plus classique, affichait la beauté "évidente" d'un mélodrame comme un linceul aussi somptueux qu'élégant autour de deux cœurs déchirés. Du chaos d'une ville bombardée et en flammes formant la toile de fond de la première rencontre des amants de Shanghai Blues (Shang Hai zhi yen, 1984) au ballet érotique contrarié sur lequel s'abat une pluie de flèches dans Detective Dee (Di Renjie, 2010), en passant par la grâce virevoltante du jeune Jet Li en Wong Fei-hong ou celle, potentiellement dangereuse voire mortelle, de séductrices surnaturelles, "dames serpentes" ou "fantômes chinois", on n'en finirait pas de lister de telles ambivalences : chez Tsui Hark la beauté a sa part de violence et d'ombre, part tranchante sinon maudite, et réciproquement il n'est pas jusqu'à la violence elle-même qui ne puisse receler sa part de beauté. Aussi n'est-il pas concevable de prétendre se débarrasser de l'une (celle liée, pour le dire vite, à Thanatos) en se débarrassant de l'autre (Éros) – attitude des divers fanatiques, bouddhistes ou taoïstes, de Green Snake (Ching Se, 1993) car, là encore, les deux apparaissent intimement et indissolublement liés. Dans Zu (Suk San, 1983), grand barnum matriciel à ce titre comme à bien d'autres, par le biais des possessions et des "doubles du démon", le Bien et le Mal ont, par essence, même apparence.

lundi 6 juin 2011

dimanche 5 juin 2011

Fragilité des souvenirs


Dans The Tree of Life de Malick, le monde de l'enfance nous est rendu par des entrechocs de fragments vus à hauteur de souvenirs, éclats incertains du passé. Dans Omohide Poroporo de Takahata, le dessin, contrastant avec les représentations du présent, se faisait volontiers esquisse incomplète, image parcellaire, dès lors que reviennent à Taeko les "souvenirs goutte à goutte" de son jeune âge. Deux moyens de figurer immédiatement à l'écran la délicate précarité de nos mémoires.

samedi 4 juin 2011

Ondée, ondine

 
Sous la pluie de printemps
une belle jeune fille
lâche un long bâillement

Issa Kobayashi (traduction de Roger Munier).

vendredi 3 juin 2011

Un soupçon d'actualité


C'est avec un plaisir à peine dissimulé que Thérèse apprit que les concombres espagnols étaient à nouveau réputés sans danger et, pour tout dire, innocents.