mardi 26 février 2013

Elle est retrouvée. Quoi ? – L'atrocité.


De l'héritage du Fantômas créé par Souvestre et Allain, du génie du crime dont les exploits passionnèrent des foules de lecteurs, Desnos et les surréalistes en tête, la grande majorité du public français ne connaît plus, hélas, que les pochades avec Louis De Funès. La parodie a éclipsé le modèle. Il est donc hautement réjouissant de voir l'Insaisissable nous revenir dans sa prime cruauté, par le biais d'un triptyque en bande dessinée, La Colère de Fantômas, dont le premier volume, Les Bois de justice, est sorti en ce début d'année. C'est d'autant plus réjouissant que cette résurrection est due à un jeune duo d'auteurs, Olivier Bocquet et Julie Rocheleau, sortis de nulle part, ou quasiment (lui a signé un polar, elle deux titres "jeunesse" au Québec), qui nous proposent là, à n'en pas douter, l'un des albums les plus marquants de 2013. Si le scénario propose une relecture originale du matériau offert par les romans, mêlant, sur un rythme feuilletonnesque étourdissant, épisodes empruntés et invention personnelle, il revient à la dessinatrice de le transfigurer par un traitement graphique aux allures de croisement improbable entre les styles d'Édith et de Mattoti, qui n'hésite pas à emprunter au mélo et au muet certaines postures de ses personnages, au fauvisme ses couleurs, à Lautrec ou aux expressionnistes. Le résultat, saisissant, est une réussite assez exemplaire qui vient redonner de leur puissance mythique aux horribles exploits du Maître de l'Effroi, qui fit ses premiers pas il y a cent et un ans ce mois-ci, annoncé, en guise d'incipit, par ce dialogue d'anthologie :

      " Fantômas ! 

      – Vous dites ?
      – Je dis... Fantômas.
      – Cela signifie quoi ? 
      – Rien... et tout !
      – Pourtant, qu'est-ce que c'est ?
      – Personne... mais cependant quelqu'un !
      – Enfin, que fait-il ce quelqu'un ?
      – Il fait peur !!! "