dimanche 22 mai 2011

Des choses montrées depuis la fondation du monde

איפה היית ביסדי ארץ הגד אם ידעת בינה׃
Job, 38:4


Le plus stupéfiant dans The Tree of Life est peut-être sa cohérence. Parce qu'elle repose toute entière sur l'un des postulats les plus improbables qui puissent s'imaginer : déployer, sur plusieurs heures, l'illustration d'une poignée de versets de la Bible, cités en ouverture. Ni plus, ni moins. Au deuil fracassant, à la question de l'existence du Mal, l'auteur du Livre de Job fait répondre Dieu par une série d'autres questions, valant incitation à la célébration des incommensurables et incompréhensibles beautés de l'univers créé. Et Terrence Malick de lui emboîter le pas, de revenir au temps des fondations du monde, dans la jubilation des étoiles du matin, pour mieux reprendre ensuite le fil incertain et ténu de l'existence humaine. The Tree of Life n'est pas le 2001 d'après 2001 que l'on pouvait attendre. Son programme tient en deux lignes, et nul sens n'est à chercher en dehors de celui-ci (qui, certes, laisse déjà quelque marge...). Et en même temps ce programme est si démesuré qu'il anéantit par avance quasiment toute modalité de jugement, tant semblent inadaptés les petits outils et les termes consacrés de la critique. Il fallait être Malick, c'est-à-dire philosophe, visionnaire, mystique, et probablement passablement fou, pour se lancer dans un tel projet et s'y conformer, sans que cela même vaille assurance (ni même espoir ?) de réussir. Et plus précisément encore : être Malick parvenu à ce point de son évolution esthétique, après s'être défait, patiemment, progressivement, de film en film, des canons de la narration classique au profit des seules fulgurances poétiques. Il y a bien sûr beaucoup à dire sur The Tree of Life, et l'on n'a pas fini d'en parler. De faire la part des enthousiasmes et des déceptions, des limites et des succès. De scruter l'ordonnancement des plans entre eux, et la place du film dans l’œuvre du réalisateur. De spéculer sur les coupes opérées  sous la pression des producteurs, la parole économe et l'image foudroyante. Rien ne presse. Laissons au temps de nous faire mieux envisager les contours de cette œuvre hors-norme, plutôt que de nous précipiter pour la rabaisser en prétendant la jauger à l'aune de ce qu'elle dépasse si manifestement.

2 commentaires:

  1. Vous êtes le premier qui me donne envie de voir le film. ce n'est pas rien! et ce que vous écrivez est surtout très beau!

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    1. Merci du compliment, même s'il m'étonne étant donné la masse de textes que ce film a pu générer par ailleurs au moment de sa sortie et depuis ! J'espère en tout cas qu'il vous plaira autant qu'à moi.

      J'en profite pour découvrir votre propre "chambre" qui ne manque pas non plus d'attrait.

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