vendredi 4 avril 2014

Course en intérieur


Axiome : tout personnage du dernier film de Wes Anderson tend à développer une énergie et une activité inversement proportionnelles à la taille de l'espace qui l'entoure. Le Grand Budapest Hotel de 1968 est une vaste ruine quasi vide, où s'assoient face à face dans un lobby désert un Zero Moustapha devenu riche, vieux et apaisé, et l'écrivain auquel il raconte son histoire. Le bâtiment de 1932 – que le réalisateur va jusqu'à filmer en format plus serré, 4/3, et non plus en 16/9 comme le récit-cadre : logique de matriochka – est une ruche piégée dans une maison de poupées. Monsieur Gustave, le jeune Zero et les autres semblent perpétuellement sur le point d'en heurter les murs, mais c'est pour mieux glisser, rebondir, ricocher, courir ailleurs. Au dehors du compartiment de train, un pays, et l'Europe entière même, sombrent lentement dans une idéologie mortifère. L'Anderson des années 2000 y aurait sans doute trouvé matière à nourrir son cinéma d'alors (qui, je l'avoue, m'a toujours semblé quelque peu surcoté), doux-amer à la mode, neurasthénique branché. L'Anderson des années 2010 (que je lui préfère largement) prédilectionne le mouvement perpétuel burlesque. Portes à ouvrir ou à faire coulisser, ascenseur, funiculaire, prison, habitacle de voiture ou fourgonnette de livreur de pâtisseries, fenêtre, trappe, coffre, confessionnal, enferment moins qu'ils ne propulsent les protagonistes dégingandés de la course-poursuite. Le cinéma de Wes Anderson rajeunit bien. Et ne semble pas près de s'essouffler.

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