mercredi 24 octobre 2012

Et Tsui... copia Keaton ?


Le problème des rapports d'intertextualité, intericonicité, interdiscursivité, et autres intermédialités... est qu'à moins d'un étayage des plus solides il est toujours difficile de déterminer s'ils relèvent de la volonté de l'auteur ou du fantasme de l'observateur. Parfois l'on s'en moque un peu et l'on accepte volontiers de se laisser porter par les possibilités, pour ainsi dire poétiques, d'une rencontre fortuite, d'une correspondance inattendue. Et parfois, tout de même, on aimerait bien savoir. Ainsi, découvrant The Cameraman de Buster Keaton, je me réjouis, entre autres trouvailles plus purement gaguesques, de l'efficacité de la séquence de guerre de rue à Chinatown, au milieu de laquelle se retrouve projeté (si j'ose dire) l'apprenti opérateur. Malgré les années, la scène demeure assez impressionnante et n'aurait guère à rougir de la comparaison avec des mises en scènes plus récentes. Qu'à ce stade me revienne en mémoire le troisième volet de la saga Il était une fois en Chine (Wong Fei Hung ji saam: Si wong jaang ba) pourrait n'être qu'une association d'idées capricieuse, sans conséquence : de l'un à l'autre, le fossé – temporel, géographique, génériquesemble si large... Pourtant, on retrouve non seulement dans les deux cas l'idée d'une fête traditionnelle chinoise virant à l'affrontement armé généralisé, le tout devant l'objectif d'une caméra "d'époque" ; mais, ce qui devient plus troublant, le principe d'une même scène-clé, quand ladite caméra, de façon toute aussi irréaliste dans les deux films, enregistre une information cruciale indépendamment de la volonté de son propriétaire. Chez Keaton, c'est ainsi, quelques scènes plus tard, un ouistiti qui "tourne" et immortalise les circonstances du sauvetage de Sally, dont un rival au physique plus avantageux tentera de s'arroger la gloire, tandis que chez Tsui Hark ce sont des pétards crépitants qui actionnent la manivelle de l'appareil, gisant au sol, de Tante Yee, ce qui conduira à dévoiler les menées d'un groupe d'occidentaux...


Aussi éloignés qu'ils puissent d'abord apparaître, le film muet burlesque (en particulier tel que le pratique Keaton) et le film de kung-fu reposent tous deux en grande partie sur une certaine inscription du corps des acteurs dans l'espace et dans l'image, et, plus prosaïquement, sur l'exhibition de leurs performances physiques – ce qui, on le sait, leur valut pareillement, au moins pendant un temps, le rejet d'une certaine critique. S'agit-il ici d'une coïncidence voire d'un délire de cerveau cinéphile paranoïaque, ou bien d'un authentique clin d'œil du maître hongkongais, réunissant, pour ainsi dire, en une seule deux scènes de la dernière grande œuvre du prince triste du slapstick, en un geste d'hommage d'un "mauvais genre" à un autre ?...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire