samedi 19 mai 2012

Clouseau, le jour des fous

What if he's right?... I'm finished, washed up. Sanity and
reason become things of the past. Madness reigns.
Commissioner Dreyfus (Herbert Lom)


Il n'y a guère de raisons de ne pas prendre au sérieux la prédiction du commissaire Dreyfus à son analyste : ce qu'annonce la vérification, contre toute évidence, de la certitude qu'a son subordonné l'inspecteur Clouseau de l'innocence de la soubrette Maria Gambrelli des meurtres dont on l'accuse, ce n'est rien moins que l'avènement du règne de la Folie. Et Dreyfus bien sûr, avec ses tics nerveux et ses automutilations, manifeste lui-même les premiers symptômes de la contagion. La construction d'A Shot in the Dark, c'est la montée en puissance d'un dérèglement. Les esprits chagrins diront que le film met du temps à démarrer. Les premiers gags de Clouseau font sourire mais peut-être pas s'esclaffer franchement, et le rythme n'a rien d'effréné. Mais l'introduction de ce personnage décalé dans un environnement normé – le milieu social, mais aussi le genre (le récit policier) agit comme un ferment, qui va, progressivement, inéluctablement, tout contaminer autour de lui, jusqu'au dynamitage final, et littéral, de la réunion des suspects à la Hercule Poirot. Entre les deux, si Blake Edwards use volontiers du comique de répétition, ce n'est jamais en horloger minutieux et exact d'une mécanique comique parfaite qui pourrait, à sa façon, être synonyme d'un certain ordre. Clouseau et Hercule ne parviendront jamais à synchroniser leurs montres. Il y a chez Edwards et Sellers  une sorte de génie de l'à-côté de la plaque : une sorte de rythme perpétuellement faussé, qui chez d'autres flanquerait tout par terre, mais définit ici les conditions du feu d'artifice. Les engrenages se télescopent les uns les autres. Seul le désordre règne. Et certains d'entre nous ne demandent qu'à se laisser emporter.

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