vendredi 22 juin 2012

Moments musicaux


Il y a peu nous dansions sur le sable avec Sam et Suzy au son d'un vieux tourne-disque et d'une chanson de Françoise Hardy. Régulièrement dans la blogosphère cinéphile revient la question des meilleurs films musicaux ou des meilleures scènes de comédies musicales, et même si c'est un plaisir dont j'entends bien ne me lasser jamais que de suivre encore et encore les pas de Fred Astaire et de Cyd Charisse dans leur traversée du parc dans The Band Wagon de Minnelli, en ce lendemain de 21 juin je vous propose d'en faire, justement, un petit de côté (de pas), pour nous intéresser aux scènes musicales des films qui, précisément, ne le sont pas (musicaux). L'invitation est donc lancée à mes voisins blogueurs comme aux lecteurs de passage, chez eux ou dans les Commentaires de cette note, de livrer, bien classés ou en vrac, leurs séquences préférées dans le genre ou celles qui les auront les plus marquées. Seule règle : on évitera les films à "numéros" musicaux, et la musique doit être intégrée au récit (pas de bande son "extérieure"). En attendant, et en espérant, vos contributions, voici ma propre tentative de top 5, dont les têtes d'affiche ne devraient d'ailleurs pas étonner les habitués du lieu :


1. Twin Peaks: Fire Walk With Me



De la chanson-titre de Blue Velvet au club Silencio de Mulholland drive, Lynch est un habitué de ce type de scènes ; mais s'il n'en restait qu'une, ce serait celle-là. Laura Palmer sur le chemin de la mort, le regard de Donna, et par-dessus, la voix mélancolique et diaphane de Julee Cruise. Questions in a world of blue, élégie pour une innocence perdue. L'émotion envahit le Roadhouse, les larmes envahissent les yeux. Ceux des spectateurs aussi. Si la scène prélude mélancoliquement à la descente aux enfers (y compris sonores) de la séquence suivante, de l'autre côté de la frontière, tout, déjà, est joué.


2. The Man Who Knew Too Much


Prise isolément, la cantate d'Arthur Benjamin ne nous marquerait sans doute que par sa grandiloquence kitsch (bien représentative des compositeurs anglo-saxons de l'époque...) ; Hitchcock en fait le support d'un monument de suspense et de mise en scène maniériste, comme une monstrueuse  réponse au frêle et maternel Que sera sera de Doris Day : opposition à laquelle on pourrait d'ailleurs, aussi bien, résumer tout le film.


3. Leung juk / The Lovers


C'est un peu de la triche car le son off vient se mêler au son in, mais après tout, c'est justement de cela qu'il s'agit ici : de dépassement. L'inspiration qui touche enfin Liang Shan-po, une déclaration d'amour qui se passe de tout mot, le thème des amants-papillons qui naît, et un montage hallucinant sans avoir l'air d'y toucher, qui amalgame les temporalités, suspend le vol du temps et glisse du présent à sa prolongation par le souvenir.
 

4. The Seven Year Itch


(On touche ici, évidemment, à l'antithèse à peu près absolue de ce qui précède.) J'ignore s'il fut réellement un temps où on ait pu envisager de draguer sur du Rachmaninov. Mais quoi qu'il en soit, cela ne change rien à l'efficacité ravageuse dont Wilder fait preuve, n'épargnant ni les fantasmes d'adultère romantique de son "héros", ni la réalité bien moins glorieuse qui s'en suit. Mit-on jamais plus d'élégance que Wilder à filmer la vulgarité.


5. Pulp Fiction


Mia Wallace veut danser, et devant la caméra de Tarantino, la danse devient iconique. L'image d'Uma Thurman se fige dans l'imaginaire collectif (alors que son rôle n'est finalement pas si important que ça dans le film !) et pour les années à venir on passera tous et toutes nos doigts devant nos visages à la moindre occasion de trémoussement comme Travolta et sa partenaire, oubliant au passage que question jeux de jambes, on était loin de rivaliser. Parfois, le culte, c'est aussi simple que ça.


*

Et vous, où vous vos préférences ? Moon River à la fenêtre, ou La Marseillaise à Casablanca ? La Chevauchée des Walkyries à fond les enceintes pour effrayer les Viets, ou la petite servante à la voix brisée de Paths of Glory ? La chanson sans texte de Chaplin, pied-de-nez à l'avènement du "parlant", ou les doigts de la muette Holly Hunter sur le piano de Jane Campion ? À moins que ce ne soit le "bon vieux rock bien de chez nous" de Marty MacFly ? À vous la scène...

8 commentaires:

  1. Merci pour la scène de "The Lovers" vraiment sublime ce moment un des mes films favoris et le plus beaux de Tsui Hark !

    Et j'apporte ma contribution avec ce joli moment de camaraderie masculine de "Rio Bravo" où Dean Martin et Ricky Nelson poussent la chansonnette la grande classe...

    http://www.youtube.com/watch?v=vpXp90wi8MQ

    Justin alias le cinéphile stakhanoviste ;-)

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  2. Ah ! cher voisin, bienvenue et merci.

    Ça fait une éternité que je n'ai plus vu "Rio Bravo", j'avoue même n'en avoir presque plus aucun souvenir (si jamais Vincent, de l'Inisfree, passe par là, je vais me faire enguirlander), et il conviendrait visiblement que je répare cela. En tout cas, comme vous dites : la grande classe.

    Pour ce qui est de Tsui Hark, il est vrai que nous avons ce goût en commun... et qu'il n'est pas le dernier pour parsemer sa filmographie de belles scènes de ce genre. D'ailleurs en postant l'extrait de "The Lovers" je songeais brusquement qu'il avait plus que quelques ressemblances avec la scène du violon sur le toit dans "Shanghai Blues" quelques années plus tôt, l'une étant presque le perfectionnement de l'autre, mais reposant sur les mêmes principes (vérification faite ça traîne aussi sur Youtube, mais hélas avec un son épouvantable : /watch?v=yPVtlDIwnsc ).

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  3. Oui c'est vraiment l'expert pour ces moments de mélancolies suspendues musicaux, il y en a de sublime dans Green Snake aussi même si ça ne rentre le cadre. Un petit bijou aussi Shanghai Blues, c'est que c'est le brouillon de pas mal de réussite à venir pour lui notamment "Peking Opera Blues" qui suit juste après...

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  4. Musicalement dans "Green Snake" je retiens surtout la séquence d'hommage à Bollywood dans laquelle vient se glisser Maggie Cheung... Pas vraiment une séquence mélancolique pour le coup. Voit-on des musiciens autour ? J'avoue ne pas m'en souvenir, je soupçonne que mon attention était fixée sur autre chose ! (Mais maintenant il FAUT que j'aille vérifier au plus vite, je ne peux pas décemment laisser passer un tel prétexte de revoir le film.)

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  5. Non pas de musiciens dans mon souvenir dans cette séquence mais il ne faut surtout pas se retenir de le revoir oui !

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  6. Séquence musicale surprenante : Le flash back de "Criss Cross" de Siodmak où Burt Lancaster regarde, au son d'une étrange et entêtante petite flûte tropicale, Yvonne de Carlo danser avec un figurant nommé Tony Curtis.
    http://www.youtube.com/watch?v=CyvrlAQfg8k

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  7. Je ne connaissais pas du tout (de façon générale je ne connais pas assez Siodmak !), mais c'est effectivement très chouette, merci pour la découverte. C'est sûr que si on commence à creuser du côté des films noirs, il doit y avoir matière...

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  8. Sur l'éprouvant mélodrame de Lynch, porté par les compositions de Badalamenti mais surtout par Sheryl Lee, actrice littéralement extraordinaire (il faut aussi voir l'intensité de sa présence chez Carpenter), je me permets de vous renvoyer ici :
    http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/07/twin-peaks-fire-walk-with-me-la.html?view=magazine

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